Le surréalisme : un mouvement et son chef, André Breton







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date de publication21.10.2016
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Le surréalisme : un mouvement et son chef, André Breton

Introduction
L’invention du mot surréalisme revient à Guillaume Apollinaire, puisque l’auteur qualifie sa pièce, Les mamelles de Tirésias, de « drame surréaliste » pour montrer qu’un sujet sérieux peut être traité sur le mode de l’humour.

C’est donc de là que le grand courant littéraire du 20 ème siècle qui a été fondé par André Breton en 1924 tire son nom et c’est d’ailleurs l’influence d’Apollinaire qui a été la plus marquante. On peut évoquer différents aspects du surréalisme : sa complexité, son rayonnement international, sa polyvalence artistique, ses aspirations politiques révolutionnaires et l’omniprésence d’André Breton. Le surréalisme n’est ni un système, ni une école, c’est un mouvement fondé sur la pratique de l’écriture à travers lequel les écrivains interviennent dans le social et cherchent à dévoiler tout ce qui dans l’homme paraît caché. Le fondement du mouvement est historique, en effet, le mot qui le caractérise c’est la « rupture » ; rupture avec une certaine idée de la littérature et de la vie. Le mouvement surréaliste est né d’une génération qui a participé au premier conflit mondial et qui en a gardé un sentiment de désespoir et de révolte absolus.

Nous allons donc essayer de voir comment le surréalisme a joué et joue toujours un rôle fondamental dans la société, et en quoi ses acquis et ses pratiques ont modernisé ont pu moderniser notre vision du monde.

Dans un premier temps, nous essaierons de voir d’où vient le mouvement en étudiant les différentes influences du surréalisme, puis nous verrons quelles étaient les principales caractéristiques du surréalisme et le rôle d’André Breton au sein du mouvement, et enfin nous évoquerons les 3 thèmes importants du mouvement : l’amour, la folie et le hasard objectif.
I- Introduction au surréalisme
1) Les racines
Les poètes surréalistes se sont tournés vers le passé proche mais aussi international, c’est pourquoi le mouvement a connu de nombreuses et diverses influences de la seconde moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle, il rejoignait ainsi le « super naturalisme » de Gérard de Nerval et du roman noir Anglais qui est caractérisé par l’excès et le refus du réel, influence également de Sade, le libérateur du désir, le romantisme Allemand dans lequel on retrouve les notions d’intériorité, de faculté de voyance et de la prégnance (=qui s’impose à l’esprit) de l’amour, et d'une certaine façon, également, influence du « surnaturalisme » de Charles Baudelaire .Ce mouvement passe par l'appropriation de la pensée du poète Arthur Rimbaud puisque lui aussi voulait « changer la vie » mais c’est surtout le Rimbaud de la Lettre du voyant qui importe aux surréalistes, puisqu’il déclarait « je est un autre », « l’amour est à réinventer », « il faut un dérèglement de tous les sens », toutes ces propositions de Rimbaud vont être reprises par les surréalistes ; on retrouve aussi Lautréamont, qui était un artisan de la révolution du langage poétique, influences également du philosophe Karl Marx qui voulait « transformer le monde » et très forte influence des recherches de Sigmund Freud. L'analogie entre le rêveur et le poète, déjà présente chez Baudelaire, est dépassée : Breton considère le surréalisme comme une recherche de l'union de ces deux concepts si souvent opposés que sont le réel et l'imaginaire. Le monde moderne a également énormément influencé le mouvement ; c’est un monde remodelé par la révolution industrielle et défiguré par la guerre, et qui petit à petit va se poser comme une énigme à résoudre. Cette vision du monde porte un nom : Guillaume Apollinaire ; il est la principale référence contemporaine surréaliste, il incarne l’ « esprit nouveau ».

C’est dans ce cadre que les valeurs traditionnelles de l’art et de la littérature se trouvent brusquement contestées par ces artistes en quête d’autre chose. Influencé par de nombreux auteurs et au cœur de multiples modes de pensées, le surréalisme est également l’héritier incontesté du dadaïsme.
2) Un héritier du dadaïsme
En effet, la plupart des surréalistes ont d’abord été dadaïstes. Le mouvement Dada naît au cœur de la première guerre mondiale. Le mouvement Dada et son créateur Tristan Tzara veulent montrer l’absurdité de tout. La dérision est le maître mot du dadaïsme : le mouvement crée par exemple des sketchs ou pièces injouables, des poèmes à crier etc. Il s’agit en fait de faire table rase des prétendus acquis de la civilisation qui limitent l’homme et en font un homme approximatif. Tout ce groupe cherche à tourner en dérision les valeurs traditionnelles sur lesquelles reposent la société, art y compris. Avec ses nouvelles revues éphémères, ses manifestations sans queue ni tête qui provoquent le public, Dada se répand partout et très vite. Les pseudo acteurs Dada vont même jusqu’à fournir aux spectateurs des tomates à leur jeter. Le mouvement dada crée un sens de l’engagement physique et les manifestes dadaïstes clament haut et fort que la culture et le monde ne sont rien. Bien que le dadaïsme ait établit une rupture, il ne propose rien en contrepartie, il ne fonde rien. Et c’est pourquoi très vite, les surréalistes vont se lasser de ce nihilisme à tout va. Breton, l’initiateur du mouvement, souhaite une grande concertation sur l’esprit moderne. Après s’être nourris de Dada les surréalistes deviennent eux-mêmes. Ils garderont du mouvement Dada le sens de la subversion des valeurs, la mise à mal des valeurs traditionnelles, le sens de l’aventure en équipe.

Comme l’a dit Breton pour que le surréalisme parvienne à voir réellement le jour, je cite, « il faut lâcher Dada. Lâchez tout. Lâchez dada. Lâchez votre femme. Lâchez votre maîtresse. Lâchez vos espérances et vos craintes. Semez vos enfants au coin d’un bois. Lâchez la proie pour l’ombre. »

C’est dans ce contexte que va naître le surréalisme avec pour chef de file : André Breton.
II- Le mouvement surréaliste et son chef
1) Historique du surréalisme, de 1919 à 1969
Le premier caractère du surréalisme est d’émaner d’un groupe se réunissant en des lieux précis, publiant des revues, organisant des expositions, rédigeant des manifestes. Les gens qui étaient admis dans ce groupe pouvaient également y être exclu par André Breton. Sa composition a donc varié mais on peut dire que d’un bout à l’autre de son existence, il fut inspiré et dominé par André Breton. C’est André Breton qui en des textes théoriques clairs, et de style classique a défini la doctrine ; c’est lui qui a maintenu l’union des personnes et la totale cohérence des idées. D’autre part, il est clair que l’œuvre surréaliste ne se réduit pas à celle de Breton : les poèmes d’Eluard, de Desnos, de Péret, les tableaux de Max Ernst, beaucoup de toiles de Dali appartiennent au surréalisme.
Dans l’histoire du surréalisme, il y a deux dates centrales: 1919 et 1924.
1919 c’est la date qui marque la co-rédaction des Champs magnétiques  par Breton et Soupault et l’inauguration de ce qui deviendra une méthode : l’écriture automatique ; c'est-à-dire qu’ils ont rédigé sans idée préconçue les textes des Champs magnétiques, ce qui a donné vie à une richesse poétique qui semble impossible à obtenir par l’écriture contrôlée. Mais la portée de l’ouvrage met quelques temps à s’éclaircir : ce qui s’y affirme paraît issu de l’inconscient lui-même, tel que Freud en a élaboré la théorie.

Les champs magnétiques correspondent à une évolution capitale : la naissance d’un état d’esprit (le surréalisme) mis au service de la révolte. L’enthousiasme que suscite la richesse des possibilités entrevues par l’écriture automatique n’est pas partagé par Tristan Tzara, le fondateur du dadaïsme. Le désaccord aboutit à une rupture en 1922, c’est donc en 1922 que le surréalisme devient réellement indépendant du dadaïsme.
1924 date à laquelle Breton publie Le manifeste du surréalisme ; dans ce texte, après avoir exalté les droits de l’imagination et fait le procès de l’attitude étroitement réaliste, André Breton y souligne la valeur de l’entreprise freudienne, l’importance du rêve et y fait l’éloge du merveilleux et il propose ensuite une définition stricte du surréalisme qui parodie un dictionnaire, donc je cite : « automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer soit verbalement, soit par écrit, soit par toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ». La tentative du surréalisme est d’exprimer une voix intérieure par un autre moyen que la parole. Il mène donc une recherche constructive : il s’agit de s’employer à faire émerger les forces comprimées ou occultées par la raison et les tabous, à savoir : l’imagination, l’intuition, le désir. L’art devient une aventure intérieure. Dans le manifeste, Breton élabore également une critique du roman, qui serait coupable d’empêcher l’imagination du lecteur de se déployer à cause des descriptions qu’il engendre et il étoufferait également les sentiments du lecteur par le recours à l’analyse psychologique, nécessairement schématique et stérilisante. Et le groupe surréaliste va même profiter de la mort d’Anatole France, qui était un grand romancier au style classique et aux valeurs traditionnelles, pour montrer plus fortement leur mépris du roman, Breton écrira donc un pamphlet (=écrit satirique) sur Anatole France lors de sa mort, il dit je cite : « Avec France c’est un peu de servilité humaine qui s’en va. Que ce soit fête le jour où l’on enterre la ruse, le traditionalisme, le patriotisme, l’opportunisme, le scepticisme, le réalisme et la manque de cœur ! ». En plus de mépriser le roman, les surréalistes méprisent également l’écriture journalistique qui a largement participé à l’embrigadement des esprits pendant la guerre. Le mouvement surréaliste s’organise : un bureau de recherches surréalistes est créé à Paris, des expositions et des manifestations font connaître le mouvement.

Par la suite, le groupe va créer une revue qui aura pour titre « la révolution surréaliste », ce titre annonce clairement les intentions du groupe qui vont bien au-delà des seules activités littéraires ou artistiques, il s’agit de produire dans le domaine intellectuel, et culturel, une révolution authentique. En d’autres termes, comme l’annonce la formule inscrite en couverture, il faut, je cite, « aboutir à une nouvelle déclaration des droits de l’homme ».

La revue prend l’aspect d’une publication parascientifique puisque sa présentation s’inspire de la revue « La nature », en effet le but du groupe est de faire comprendre à la société que leurs préoccupations ne sont pas seulement littéraires mais aussi scientifiques, puisqu’ils sont soucieux de se définir davantage comme des expérimentateurs que comme des écrivains, et on verra par la suite que les expériences « quasi-scientifiques » des surréalistes sont nombreuses, ils exploreront par exemple l’inconscient et les états hallucinatoires.

Dès le début donc le surréalisme se préoccupe du social et du politique, et dans la revue, le groupe déclare qu’il faut « ouvrir les prisons » et marquer « la fin de l’ère chrétienne ».
Après l’effervescence que produit dans les milieux intellectuels la parution du Manifeste et de la Révolution surréaliste, le groupe aborde dès 1925 la question politique. De nombreux débats dans le groupe ont lieu à propos de la question de l’impact du surréalisme sur la société, il est même dit que le surréalisme bien que socialement scandaleux ne peut bouleverser l’ordre economico-politique…Le projet est universel et le surréalisme, sous des aspects souvent provocateurs et destructeurs, est un véritable humanisme. Il croit en la capacité humaine d'échapper aux carcans intellectuels, moraux et sociaux qui l'oppriment, et il vise à une libération de l'homme. Il y a donc bien là une entreprise révolutionnaire, et ce n'est pas un hasard si le groupe a cherché à intégrer à sa réflexion et à sa pratique, la pensée marxiste, celle-ci étant à l'époque l'incarnation majeure de la révolution politique et sociale. Ce rapprochement n'a cependant pas été facile. Certains surréalistes adhérent donc au parti communiste afin de tenter de confirmer leur visée révolutionnaire et de transformer la société…Mais c’est un échec total. Breton ne reste pas au parti communiste, puisqu’en effet adhérer au parti communiste c’est renoncer aux recherches proprement intérieures et au progrès individuel de l’esprit. Cet enjeu politique entraîne des ruptures douloureuses au sein du groupe, Breton exclu plusieurs membres et il prône une autonomie de la création en poésie, en d’autres termes il estime qu’il est impossible d’éviter que l’engagement politique n’instrumentalise l’art, en effet là où la littérature soude le groupe, la politique et l’histoire le désagrègent.
En 1929, Breton publie un second manifeste dans lequel il précise que le surréalisme doit atteindre le point d’esprit où s’effacent les contradictions, par exemple entre la veille et le sommeil, le bien et le mal etc. Breton témoigne de l'influence de la réflexion marxiste exercée sur le surréalisme. Très vite, cependant, le texte prend des allures de règlement de comptes. Après avoir remis en question de prestigieux modèles tels que Rimbaud et Baudelaire, Breton s'en prend à ses contemporains ; rares sont ceux qui, à ses yeux, n'ont pas trahi le surréalisme.

La seconde guerre mondiale provoque l’étouffement de l’activité surréaliste et dès 1942, Breton appelle à « un troisième manifeste ou non » qui serait capable de fonder d’autres espérances pour l’homme qui se retrouve dans un contexte difficile,à savoir celui de la lutte entre des idéologies concurrentes. Après 1945, le groupe surréaliste multiplie les manifestations collectives, ce qui débouchera sur le manifeste des 121 sur le droit à l’insoumission.
En 1966, la mort d’André Breton mène à l’arrêt des activités collectives, ce qui prouve qu’il était bien le pilier du mouvement. C’est après les événements de 1968, en effet des incompatibilités et des rivalités apparaissent dans le groupe et c’est en octobre 1969 que la fin du surréalisme est proclamée.
2) Les techniques littéraires et picturales des surréalistes
Donc après avoir vu l’historique du surréalisme, on va maintenant aborder les techniques littéraires et picturales qui étaient utilisées par le groupe qui avaient toutes pour but principal de lever le voile sur ce qui semble cacher au fond de l’être humain et qui ne serait accessible que par des techniques spécifiques.
Les moyens utilisés par les surréalistes pour établir une preuve de la surréalité sont divers. L’écriture devient un moyen d’atteindre l’inconscient. Une place importante est donc accordée à l’onirisme et à l’hypnose. Les surréalistes vont pratiquer des séances de veilles et de sommeils, ces points morts vont permettre de libérer ce qui gît à l’intérieur de l’être. Comme le disent les surréalistes, je cite : « le surréalisme n’aime pas perdre la raison, il aime ce que la raison nous fait perdre » , des tracts surréalistes affirmaient aussi, je cite : « Le surréalisme est à la portée de tous les inconscients». Donc il s’agit pour les surréalistes d’aller vers les limites de ce que l’homme retient en lui (par exemple les non dits, les tabous etc.)

Ils vont également pratiquer des jeux de hasard et de l’arbitraire, c’est une façon de s’exprimer en l’absence de tout choix, c’est ce que permet de faire la technique du cadavre exquis, sa technique est expliquée dans le Dictionnaire abrégé du surréalisme, je cite : « jeu de papier plié qui consiste à faire composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes, sans qu’aucune d’elles puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. L’exemple devenu classique qui a donné son nom à ce jeu, tient dans la première phrase obtenue de cette manière : le cadavre exquis boira le vin nouveau ». L’écriture devient donc ludique et aléatoire ; les techniques utilisées visent à rejeter les acquis de la civilisation.

Comme on l’a dit les surréalistes vont pratiquer des séances de veilles et de sommeils durant lesquels ils vont vite se rendre compte que la frontière entre le rêve et la folie est très fine. André Breton et le groupe des surréalistes sont émerveillés par ces pratiques mais également terrifiés ; ils sortent épuisés des séances de travail et commencent à mesurer les risques en terme de santé mentale. C’est d’ailleurs ces expériences à mi-chemin entre rêve et folie qui vont être à l’origine de plusieurs suicides surréalistes. Les sommeils hypnotiques se sont révélés très bénéfiques pour la quête surréaliste mais également très dangereux. Les membres du groupe parviennent à trouver en eux les produits d’une pensée dont ils ignorent l’existence dès qu’ils se réveillent. Pensée qui a parfois pris un tour angoissant puisque par exemple au cours d’une séance, René Crevel (un des membres) invite les personnes présentes à un suicide collectif, et Robert Desnos, quant à lui s’empare d’un couteau de cuisine et poursuit Paul Eluard ; et Benjamin Péret persuadé qu’il voit de l’eau, se jette à plat ventre sur la table et croit qu’il nage…

D’autre part, on constate qu’il y a un lien étroit entre le surréalisme et la psychanalyse ; ce sont d’ailleurs les travaux de Freud qui ont largement influencé les surréalistes vis-à-vis de leurs techniques comme on l’a vu avec les sommeils hypnotiques par exemple. Breton reprend la phrase de Rimbaud, je cite « Il faut un dérèglement de tous les sens », et le rêve serait donc le meilleur moyen d’exprimer le dérèglement de tous les sens ; en effet, la technique consistant à faire le récit de ses rêves ferait apparaître les métaphores obsédantes de chacun, c'est-à-dire le mythe personnel de chaque individu. En d’autres termes, le rêve serait une parole structurée de l’inconscient.

Les surréalistes vont également tenter de percevoir l’imperceptible à travers d’autres techniques diverses et variées, et commencent donc à chercher des richesses insoupçonnées dans le banal et le quotidien. Ils deviennent attentifs au spectacle de la rue, aux vitrines, aux affiches, ils en attendent des rapprochements incongrus, des courts-circuits poétiques, puisqu’en effet les surréalistes pensent que la poésie authentique, celle qui selon Rimbaud doit « changer la vie » peut se déceler au sein de la vie elle-même. Ils préconisent donc les promenades sans but.

Au niveau des techniques picturales, Breton considère que la peinture n’a d’intérêt que si elle peut « faire faire un pas à notre connaissance abstraite proprement dite », indépendamment de son rapport au goût. L'onirique, le choc visuel produit par la juxtaposition d'images ou d'objets incongrus, mais toujours agencés dans une œuvre signifiante, sont l'un des fondements de la poétique surréaliste.

Les contemporains admirés par les surréalistes furent le peintre italien Giorgio de Chirico, les artistes français Marcel Duchamp et Francis Picabia, le peintre espagnol Pablo Picasso, bien qu'aucun d'eux ne fût jamais officiellement membre du groupe surréaliste. À partir de 1924, l'artiste allemand Max Ernst, le peintre français Jean Arp ainsi que le peintre et photographe Man Ray adhérèrent au mouvement. Ils furent rejoints par le peintre français André Masson et le peintre espagnol Joan Miró. Parmi les derniers adhérents du groupe figurent Yves Tanguy, le peintre belge René Magritte, ainsi que le peintre espagnol Salvador Dalí qui rejoignit le mouvement surréaliste en 1930.

On peut d’ailleurs facilement comparer les œuvres littéraires et picturales puisqu’elles reprennent des techniques similaires et ont donc de nombreux points communs. Dans les 2 cas,

  • il n’y a pas de réalité unique, mais une réalité aux facettes multiples : cette réalité est vue à travers un prisme déconstructeur.

  • -il y a une absence de hiérarchie nettement indiquée entre les éléments du tableau, entre les différents plans est à rapprocher du texte poétique où l’essentiel et le détail se juxtaposent, s’interpénètrent, se modifient réciproquement.

  • -le passage d’un plan du réel à un autre plan, se fait sans transitions clairement établies (par exemple le poème Zone), le mélange d’éléments artistiques et de réalités prosaïques. On remarque l’absence d’unité stylistique : dans Zone. Apollinaire fait appelle à des registres lexicaux hétérogènes caractéristiques d’une esthétique de la discontinuité, il en est de même pour le cubisme.

  • -et enfin le tableau, comme le poème fait appel à la participation active de destinataire et sollicite également son imagination créatrice.

Les expériences concernant l'automatisme inconscient seront également pratiquées par Max Ernst dans ses collages et frottages.

Dalí, quant à lui, suit une méthode plus proche de la pensée psychanalytique lorsqu'il cherche à retranscrire ses fantasmes selon la méthode dite de "la paranoïa critique". On peut dire que la paranoïa critique c’est le fait que le peintre cultive ses fantasmes en peinture. Aux récits de rêves et à l'écriture automatique des surréalistes, Dalí ajoute l'objet irrationnel à fonctionnement symbolique...

D’autre part, la collaboration de Dalí avec Luis Buñuel pour la réalisation des films Un chien andalou (1928) et l'Âge d'or (1930) lance également le surréalisme dans l'art cinématographique.

III- Trois thèmes importants

1) L’amour

L’amour est un thème majeur du mouvement surréaliste.

Dans le surréalisme l’amour a une valeur suprême, et il s’incarne dans la femme. Le surréalisme s’inscrit dans un mouvement esthétique et s’organise autour de l’idée de beauté, dont la femme est l’incarnation parfaite. A la différence de la femme Baudelairienne qui peut avoir des valeurs négatives, la femme surréaliste est entièrement positive. Elle assume un rôle d’inspiratrice ou de muse. Loin d’être un objet sexuel, la femme est une médiatrice, un être sacré. La place centrale de la femme dans l’œuvre Nadja d’André Breton est celle de la femme dans le surréalisme, femme enfant, femme sorcière, femme fée, la femme surréaliste a mille visages. Par la suite la femme aimée apparaîtra comme bouleversante et sacrée. Elle présentera, comme le dit Breton dans L’amour fou « l’intrication en un seul objet du naturel et du surnaturel  inspire». Les femmes surréalistes semblent être l’accès à la vraie vie. Dans le mouvement surréaliste, la femme prend la place que, traditionnellement, occupait Dieu. On remarquera néanmoins qu’il y a peu de femmes dans le groupe surréaliste ; les représentations féminines dans le surréalisme restent indéniablement subordonnées à un imaginaire masculin qui les divinise ou les nie ; statut ambigu et paradoxal de la femme puisqu’à la fois symbole divin et sacré, le corps de la femme semble faire insupportablement violence ; chez Eluard par exemple, les mains, les yeux, la chair de la femme aveuglent et tuent. Les féministes ont souvent reproché aux surréalistes d’évacuer le sujet féminin et de seulement lui conférer un rôle de personnage mythique désincarné. Dans le tableau de Dali, le visage de Mae West, Dali nous invite à vivre dans une tête féminine et à tenter de penser comme elle. Là encore la femme est vénérée.

En ce qui concerne la sexualité, André Breton et certains membres du groupe étaient fortement opposés à toutes les formes déviantes de l’amour, et ils condamnaient donc l’homosexualité surtout masculine, l’onanisme, la zoophilie, l’exhibitionnisme, le voyeurisme et l’amour collectif. On peut évoquer l’aspect paradoxal de la sexualité dans le surréalisme puisque étant donné l’anti-traditionalisme qu’il semble revendiquer au niveau de l’art et de la vie en général, on s’attendrait à ce qu’il prône une sexualité également anti-traditionnelle mais ce n’est pas le cas. En revanche, ces formes déviantes d’amour méprisées par le groupe étaient tout de même représentées dans les toiles de Dali et dans de nombreux écrits. Tous les membres n’avaient pas les mêmes avis par rapport à l’homosexualité, par exemple, René Crevel a réagit contre les conceptions d’André Breton en écrivant une œuvre intitulée « Les pieds dans le plat » dans laquelle il revendique son homosexualité et émet quelques provocations vis-à-vis du groupe surréaliste.

2) La folie

Thème également important, la folie. Plusieurs membres du groupe surréalistes ont reçu une formation médicale. Cette formation médicale a orienté l’expérience surréaliste en lui révélant les zones obscures du psychisme humain, et l’insuffisance révoltante des explications scientifiques qui permettent de dire si telle ou telle personne est folle. Breton écrit dans le manifeste : « les confidences des fous, je passerai ma vie à les provoquer. Ce sont des gens d’une honnêteté scrupuleuse et dont l’innocence n’a d’égale que la mienne ». Breton signale également l’influence qu’eut sur le développement de sa pensée un malade de Saint Dizier, qui prenait la guerre pour un simulacre, estimant que ses blessures étaient seulement apparentes. A partir de cet exemple, on peut voir la source même de la notion de surréalité chez Breton. Sa confrontation avec les délirants de St Dizier n’a pas été sans risque ; il s’est vu menacé de folies périodiques (alternance de manies et mélancolies). Les surréalistes pour lesquels tous les fous, « forçats de la civilisation » sont détenus en internement arbitraire continuent de mettre en cause les valeurs, notamment la morale et les critères bourgeois, au nom des quels on enferme les fous ; ils s’en prennent aussi au diagnostic des psychiatres contemporains. Breton clame son mépris de la psychiatrie. La folie au même titre que la poésie est célébrée comme un moyen suprême d’expression. Parmi les maladies mentales, c’est vers l’hystérie que les surréalistes portent principalement leur attention. Les surréalistes qui la percevaient comme une manifestation d’  « attitudes passionnelles » extrêmement troublantes en ont fait l’éloge. Les membres du groupe voulaient réhabiliter tous les égarements de l’esprit humain en tant que moyens suprêmes d’expression.
3) Le hasard objectif
Les œuvres de Breton abondent en exemple de ces signes du hasard objectif, venus on ne sait d’où, de ce que, dans Nadja il appelle les « pétrifiantes coïncidences ». Ainsi, Breton est assis avec Nadja, le regard de Nadja fait le tour des maisons et elle prédit qu’une fenêtre va s’éclairer en rouge et dans l’instant qui suit c’est exactement ce qui se produit. Ailleurs, Nadja, devant un jet d’eau retrouve l’analogie exprimée dans une vignette des dialogues entre Hylas et Philonious de Berkeley, ouvrage qu’elle ignore et que Breton vient précisément de lire.

Ces rencontres sont mal expliquées par le simple recours à la coïncidence : elles paraissent le signe d’une finalité mystérieuse, la marque d’un rapport dont nous ne sommes pas les créateurs. Tel est le hasard objectif. Il est le propre d’une rencontre réelle, faite dans le monde objectif, mais qui paraît porteuse d’un sens inexplicable par des raisons naturelles. Il semble s’agir d’un signal. Mais on ne sait de quel signal il s’agit. Breton déclare cependant n’avoir été que le témoin hagard de tels faits. En ceci, se manifeste la lucidité réaliste. Voulant ne renoncer à rien du désir humain, soucieux de récupérer, en dehors de toute foi en Dieu, ce que l’expérience religieuse elle-même a de positif, espérant la totale réconciliation de l’esprit et du monde.
Conclusion
Pour conclure, on peut dire que le mouvement parcourt le siècle jusqu’à la mort de Breton et au-delà. Mouvement mondial, il est encore d’actualité, en effet, objet d’études universitaires, de thèses, il continue sa vie. Aussi tard que dans les années 90, les revues s’activent alors que les groupes voire les groupuscules, puisque l’on ne peut plus parler de mouvement, se réunissent. Mais surtout, des voix sont là. Alain Jouffroy, Annie Lebrun, Jacques Kober, Charles Elie Flamant restent sur le qui vive, critiquent la société, cultivent l’éperdue. Mais l’identité du surréalisme s’établit surtout autour d’André Breton, le rédacteur des manifestes et le narrateur de Nadja au point qu’il soit devenu l’incarnation du surréalisme. Les thèmes de prédilection du surréalisme ont été, entre autres, le rêve et ses vertus de parole profonde, l’amour humain et sublime pour une femme idéalisée, une liberté qu’il défend sur le plan politique autour de l’idée de révolution.. Les surréalistes ont voulu transformer le monde. S’ils n’y sont pas parvenus, ils ont réussi à changer la vision dont nous en avons. Un exemple parmi d’autres suffit à marquer l’importance de cet apport : le regard désormais porté sur les maladies mentales. Et s’il est aujourd’hui dépassé en tant que mouvement,il est pourtant entièrement parvenu à s’infiltrer dans les moeurs et à modeler nos modes quotidiens de réflexion. L’atmosphère culturelle dans laquelle nous baignons est imprégnée de surréalisme, la plupart du temps sans que nous ne nous en rendions compte. En effet, l’invasion surréaliste dans l’art est plus qu’évidente. Si l’on parcourt le dictionnaire de la poésie française contemporaine, on constate que la plus grande place est réservée aux poètes surréalistes (Breton, Aragon, Eluard, Prévert, Char...) qui, par la subjectivité déchaînée de la forme et l’absence totale de raison, composent une poésie d’expression révolutionnaire. La peinture est elle aussi imprégnée de surréalisme. Picasso, le mythe fondateur de l’art moderne, l’incontournable maître de nos "artistes" contemporains, disait qu’"un tableau est une somme de destructions" et que la peinture était plus forte que lui et lui faisait faire ce qu’elle voulait, transposant ainsi la technique de l’écriture automatique en une peinture automatique. D’après cette conception certains critiques se demandent d’ailleurs comment distinguer, une oeuvre d’art d’un gribouillage… Le cinéma, enfin, traduit cette mentalité surréaliste par l’incohérence de certains scénarios d’une part (dans certains films de Louis Bunuel par exemple), et surtout par le primat donné à l’affectivité au détriment des lois naturelles et de toute morale. Par exemple, le film de Marco Ferreri, "I love you", qui raconte l’idylle d’un jeune homme et d’un porte-clé. De plus, l’héritage idéologique de Mai 68 provient directement du surréalisme, de même que tous les slogans restés inscrits sur nos murs, comme par exemple : "Entrons dans une sphère de déréalisation" - "nous voulons une musique sauvage et éphémère" - "Nous sommes rassurés : 2 + 2 ne font plus 4". On n’a pas vraiment conscience de cet impact surréaliste sur notre société, et pourtant, il est bien présent, puisque c’est lui qui fait primer la sensibilité et l’instinct sur l’intelligence, qui exalte la sincérité comme innocence et justification (comme par exemple "J’ai menti de bonne foi"), qui nie le beau au profit de l’expression personnelle considérée comme finalité absolue; qui refuse les héritages culturels pour "affirmer l’individu".





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«matière poétique». Le nom apparaît en 1866 quand l'éditeur Alphonse Lemerre publie le recueil poétique le Parnasse contemporain

Le surréalisme : un mouvement et son chef, André Breton icon«Le lieu de vie et la question de l’habitable»
«pratiques» (de Certeau). Les «lieux de vie» semblent d’une part façonnés par l’environnement (Hall) (mouvement centripète) et, d’autre...

Le surréalisme : un mouvement et son chef, André Breton iconContribution à l’histoire du mouvement psychanalytique
«défense et illustration» de la psychanalyse : Cinq leçons sur la psychana­lyse, suivi de Contribution à l'histoire du mouvement...







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