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A propos du mot de Baudelaire : « Tout art doit se suffire à lui-même » (1858) Le philosophe Theodor Adorno observe que c’est chez Baudelaire que la modernité a été analysée pour la première fois avec rigueur1. Et c’est également chez Baudelaire qu’on trouve pour la première fois mis en évidence les caractéristiques de l’œuvre d’art moderne dans sa comparaison avec la marchandise. Giorgio Agamben a lui aussi relevé que l’analyse par Baudelaire de l’œuvre d’art est contemporaine du « choc » qu’a constitué l’Exposition universelle de 18552. Celle-ci était la promotion de la marchandise comme « objet féérique », comme « échantillon de la beauté universelle ». La marchandise présentée comme œuvre d’art donc, c’est-à-dire présentée dans la dénégation de son caractère essentiellement échangeable et sa transfiguration en un objet essentiellement inéchangeable car unique, ce qui est la prétention de l’œuvre d’art (voir H. H. Holz3). La logique de la marchandise, le « principe bourgeois », c’est la domination de l’abstraction et la fétichisation de ce caractère abstrait, de cette capacité de circulation conférée par la valeur d’échange. C’est de la valeur d’échange des choses qu’on jouit, et non de leur valeur d’usage (d’où les notions de nouveauté et de mode). La réaction de Baudelaire à la modernité est une réaction à cette domination de l’abstraction, mais sa réaction ne prend la forme, ni de la dénégation, ni de la reddition mélancolique. Baudelaire ne nie pas que la logique marchande englobe jusqu’à l’œuvre d’art (parlons de « marché de l’art »), mais il ne se résout pas non plus à produire une œuvre qui s’adapterait au marché (parlons d’« industrie culturelle »). En affirmant que « tout art doit se suffire à lui-même », Baudelaire pose l’œuvre d’art au cœur du paradoxe du fétichisme de la marchandise. S’il est vrai que la limite impossible de la marchandise est d’en faire un pur support valeur d’échange, qui serait la « marchandise absolue », une œuvre qui se suffirait à elle-même, dépourvue de toute valeur d’échange donc, constituerait une provocation, une nouveauté inouïe qui l’élèverait immédiatement à la dignité paradoxale de « marchandise absolue ». C’est exactement le paradoxe de l’art moderne. 1 Voir Théorie esthétique [1970], tr. fr. Jimenez, © Klincksieck, 1995, p. 42. 2 Voir Stanze [1977], tr. fr. Yves Hersant, © Bourgois, 1981, p. 78-82. 3 Voir Vom Kunstwerk zur Ware, © Luchterhand, 1972, passim. |
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