Iran : la collection cachée  Iran : la collection cachée
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Ce sont des tableaux qui avaient disparu depuis plus de trente ans, depuis la Révolution islamique en Iran. Des impressionnistes : Monet, Gauguin, Toulouse-Lautrec ; des maîtres du pop art : Roy Lichtenstein, Andy Warhol. Un fabuleux trésor que les Iraniens redécouvrent aujourd’hui dans un musée de Téhéran. Le pays s’ouvre doucement. Conséquence : les restrictions sur l’art diminuent.
Première femme interviewée
C’est très bien de permettre enfin aux gens de voir ces œuvres. Ces tableaux magnifiques étaient cachés et prenaient la poussière depuis trop longtemps. C’est bien qu’on s’intéresse de nouveau à l’art.
Seconde femme interviewée
Moi je suis contente de voir qu’on expose des artistes qui sont célèbres à l’étranger. On est comme les autres. J’aime cette idée.
Voix off
Cette collection unique au monde, c’est le trésor de l’ancienne impératrice Farah Diba. L’épouse du chah1 d’Iran était passionnée d’art, amie des artistes – on la voit ici avec Andy Warhol. Dans les années soixante-dix, comme le raconte le directeur actuel du musée, elle a fait acheter près de 300 tableaux de maître. Des chefs-d’œuvre qui valent plusieurs milliards d’euros aujourd’hui.
Majid Mollanoroozi, directeur du musée d’art contemporain de Téhéran
Ici, on entrepose les peintures et on s’occupe de leur entretien. Ces œuvres, nos experts les ont achetées dans les années soixante-dix quand c’était la crise en Europe. Les prix de l’art s’étaient effondrés et nous, en Iran, grâce au pétrole, on roulait sur l’or. Sans prétention, l’Iran a constitué la plus belle collection de pop art et d’art moderne au monde.
Voix off
Mais en 1979, c’est la Révolution islamique. L’ayatollah Khomeini prend le pouvoir. Farah Diba est contrainte à l’exil et les mollahs enferment son trésor à double tour dans les sous-sols du musée, loin des regards. Anti-islamique la femme aux seins nus2 de Renoir, pornographiques les hommes couchés3 de Bacon. Pendant trente ans, c’est cet homme qui a veillé sur la collection cachée, Firouz Shabazi, petit gardien de musée devenu conservateur malgré lui.
Firouz Shabazi, ancien gardien du musée
Van Gogh.
Voix off
Devant l’impressionnant catalogue du musée, il est capable de citer précisément…
Firouz Shabazi, ancien gardien du musée
Gauguin.
Voix off
…chaque artiste, chaque tableau avec émotion.
Firouz Shabazi, ancien gardien du musée
Tous les tableaux n’étaient pas référencés. Moi, j’y connaissais rien et il n’y avait pas Internet à l’époque. Alors tout seul, j’ai cherché les œuvres ressemblantes. J’ai passé des heures dans cette bibliothèque. J’avais la responsabilité de ces œuvres. J’ai voulu les protéger comme mes enfants, vraiment comme mes enfants. Je les aimais. Quand j’étais seul, fatigué, j’allais au coffre, je leur parlais. Et j’aimais ce moment.
Voix off
Fierté du gardien du musée, ce tableau de l’Américain Jackson Pollock estimé à 250 millions d’euros. Aujourd’hui, toujours pas de nus exposés pour ne pas heurter la sensibilité islamique, mais certaines pièces devraient sortir cette année pour la première fois d’Iran et être exposées en Allemagne et aux États-Unis. Quand l’art œuvre aussi pour l’ouverture. 1 Un chah : terme persan utilisé pour désigner les empereurs de Perse.
2 Huile sur toile de 1908 : Gabrielle en blouse ouverte.
3 1968 : triptyque — deux personnages couchés sur un lit avec spectateur.
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