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métropole avec la prétendue nature. Le rapport qui oppose altérité naturelle et identité urbaine est renversé. La nature idéalisée qui résulte de la colonisation métropolitaine de l’espace rural acquiert les valeurs de l’intériorité, voire de l’intime. Elle est au coeur des agglomérations le creuset où se forgent la spécificité et l’identité de chaque métropole. Les rapports entre le lointain et le proche, le végétal et le minéral, la centralité et la latéralité, prennent place à l’inté rieur des agglomérations et doivent être déployés à différentes échelles, des grands espaces aux tout petits. Ce mouvement « d’urbanisation de la nature » est très ancien. Toutes les utopies urbaines se sont constituées contre la ville, quitte à la transplanter à la campagne. Il est aujourd’hui profondément inscrit dans l’espace contre le réseau 103 les territoires et dans les pratiques métropolitaines. La préservation, la requalification, la revalorisation de ces intervalles « naturels », l’ouverture en profondeur de la métropole sur ces derniers, la construction de leurs franges et des limites de l’urbanisation, la fabrication d’effets de lisière, révèlent la géographie de la métropole ainsi ancrée territorialement. Intégration urbaine et resserrement des infrastructures, urbanisation des grandes voies. Les infrastructures métropolitaines des trente dernières années restent à urbaniser. Euralille a mis en place deux dispositifs puissants de continuité métropolitaine : une urbanisation de la rocade autoroutière et de la ligne TGV dont le franchissement structure et ordonne le paysage urbain, et la réalisation d’un équipement typique de la grande périphérie, le centre commercial, à proximité immédiate du centre-ville. Ce type de démarche n’a pas empêché la mise en place des dispositifs réglementaires anti-urbains en vigueur: loi Barnier interdisant de construire à moins de 100 mètres des infrastructures et loi sur le bruit limitant drastiquement l’urbanisation le long des voies… En imposant le recul vis-à-vis des voies, ces textes empêchent le confinement du bruit et suscitent l’adossement à la voirie qu’ils ne conçoivent que routière. L’urbanisation des grandes voies est pourtant le noeud gordien à trancher pour passer de l’urbanisme de la route et du réseau à l’urbanisation métropolitaine. Les voies métropolitaines construites à partir des années 1970 sont peu nombreuses et pratiquement toutes autoroutières. Elles se sont faites au détriment de la réalisation de voies urbaines de transit dont le débit est pourtant comparable (cf. le Prado à Marseille, le cours de Vincennes, le boulevard de Roubaix etc.) et le coût infiniment moindre, surtout si l’on en retranche la valorisation du foncier rendu urbanisable, à comparer aux coûts fonciers et aux délaissés que produit la moindre voie rapide. Ce qui manque aux grandes périphéries, ce ne sont pas seulement des transports 104 La ville qui s’invente en commun lourds, mais ce sont aussi de grandes voies paysagères, entre parkway et boulevard paysager, qui constituent des vecteurs multimodaux de transport, d’urbanisation et de croissance. Le développement de ces voies implique des expérimentations et des recherches typologiques afin de garantir la qualité de l’espace résidentiel par une architecture urbaine métropolitaine: confort acoustique des bords de voie, ordonnance du grand paysage, haute densité, mixité typologique. Le tissu urbain comme projet Parler de tissu urbain, c’est déjà se garder d’isoler et de réifier l’espace public, refuser d’y voir un décor. Espaces public et privé constituent des valeurs antagoniques (ce qui est public n’est pas privé et inversement) qui fondent à la fois l’urbs et la civitas, la morphologie et l’urbanité, la forme et les statuts et usages de l’espace. La parcelle. Parler de tissu urbain revient à dire une chose simple: l’espace est partagé, découpé, parcellisé. La parcelle est un espace, un cube d’air. Cet espace ou ces espaces ont une valeur d’usage, la parcelle est un objet d’architecture. C’est affirmer l’édifice comme construction de 9. Raisonner cet espace en énonçant «en premier lieu le vide», cour et jardin 9, en partant la construction de cet espace avant de l’extérieur. C’est, en questionnant l’échelle de la parcelle, interroger la ou concurremment avec celle de l’édifice forme de l’immeuble et la typologie résidentielle. C’est refuser de servir est aussi une tradition moderne, la villa Stein une deuxième fois la soupe du grand ensemble sous la non-forme du parc n’est-elle pas d’abord cela, un intérieur résidentiel ou du campus. Dire le tissu urbain, c’est aussi dire que l’on ne parcellaire subdivisé en deux? fait pas la ville qu’avec des stars ni même qu’avec de bons architectes…. Projet typologique… Invoquer le tissu urbain, c’est encore refuser de penser en fonction du seul contexte. Cela suppose un travail systématique d’identification, de développement et d’illustration de typologies, immeubles, parcelles et espaces publics, qui renvoient à une pertinence tout à la fois globale et locale. C’est avoir une pensée générique l’espace contre le réseau 105 et généalogique qui se surajoute à la pensée du plan. L’architecture, à la façon d’une discipline, peut se saisir de la typologie, en croisant espace et usage. Elle doit y être experte. Qui dit immeuble et programme dit type et formes communes. Le projet se constitue comme identification de types et comme critique. Il est une pratique raisonnée de transformation d’un objet sédimenté, social et historique. Le temps du projet, bien souvent, est dans la reconnaissance et la révélation de l’évidence d’un type. Que depuis longtemps la « marchandisation » mette à mal la production «oeuvrée» et les traditions vernaculaires et savantes qui sont à la base du concept de type et ait pour conséquence une «crise typologique» ou de la médiation typologique fait peu de doute. Acteurs institutionnels, architectes, entreprises et organismes constructeurs sont rassemblés pour transformer en modèle et en prototype ce qui devrait être au contraire ouverture et question, une articulation entre espace et société qui en révèle les structures latentes, un objet de découverte et de transgression. Cette crise est aussi à rapporter aux liens très médiocres existant entre le public et un monde architectural refermé sur lui-même, très sensibilisé à la question de l’oeuvre et focalisé sur l’objet, enclin à l’académisme et à l’esthétisme. Il n’en demeure pas moins que la notion de type est pour les architectes la seule qui les oblige à appréhender un objet architectural qui soit partagé et donné, socialement et historiquement. 10. Op cit. page 722 «Que reste-t-il une fois éliminée l’identité? Le générique? 10 » (avec le silicone et la crevette fade Koolhaas critique (justement) les ambiguïtés de l’identité tout en prêchant et molle, comme exemple type). le mélange des genres, en confondant le social et le spatial. En honorant les vertus de l’impersonnalité, en vantant les mérites du générique, il finit par plaider l’espace homogène et abstrait, sans lieu ni corps. Alors paraphrasons: «que reste-t-il une fois éliminé la singularité de l’objet? le typologique ? » Le typologique ne confond pas le sens commun et l’identité. Le sens commun est inscrit dans la durée et le temps sédimenté. Il ne confond pas 106 La ville qui s’invente l’identité et le lieu. L’identité cloisonne alors que le lieu, parce que qualifié, est disponible à l’usage. L’objet peut être banal et localisé, impersonnel et oeuvré, ordinaire et unique. Le type n’est ni une perspective ni un cadre du projet, mais un espace ou une «idée d’espace» duquel faire émerger un point de vue qui nécessairement en élargit l’horizon. Le type donne à voir au-delà de lui-même. Le type est un lien dialectique du temps. Tout type s’inscrit dans une genèse et en inspire le moment qui va suivre. La transposition critique de typologies vernaculaires et traditionnelles n’est en tout cas pas moins intéressante ni subversive que la reproduction systématique de la partition «jour/nuit» ou de la cuisine américaine. Le projet urbain doit restituer les contradictions, les tensions, les correspondances d’un contexte (le plan d’ensemble, le tracé, l’ordonnancement) et d’un texte (les typologies). L’espace public est un des éléments principaux de la constitution et de l’appréhension de la forme globale de la ville. Le tissu urbain apporte un texte. La beauté de la ville naît de cette confrontation du contexte et de la géographie avec «le texte», autonomie et la temporalité propres aux structures spatiales et pratiques du bâti et du parcellaire. Aucun projet urbain ne peut se contenter de l’espace public, des infrastructures ou des paysages. Il doit aussi développer une problématique systématique en termes de tissu urbain. Il doit rassembler les maîtrises d’oeuvre et d’ouvrage et organiser la concertation des populations autour de questions typologiques partagées. Il doit dire les morphologies parcellaires, les modalités et les formes de la mitoyenneté, la distribution. Le projet typologique est un projet à part entière qui inscrit le travail critique «oeuvré» de chaque architecte dans une pertinence globale et collective. Il interroge la question de l’expression typologique d’un projet local, voire d’un projet régional. Il interroge l’existence d’acteurs susceptibles de porter et de développer ces projets : écoles d’architecture, recherche, agences d’urbanisme, opérateurs… l’espace contre le réseau 107 …nouvelles typologies. Le décalage entre la nullité des normes et des modèles contemporains du logement collectif vis-à-vis des usages communs et des attentes qu’exprime l’acculturation pavillonnaire confirme le désintérêt des politiques gouvernementales, puis celui du public pour l’habitat des villes. La politique française du logement est la plus restrictive qui soit : surfaces, normes et financement génèrent deux ou trois modèles simplifiés à l’extrême et partout répétés. Elle doit être profondément réformée. Aux architectes, étudiants et enseignants d’expérimenter et de préparer dans les consciences une telle réforme en testant notamment les moyens de relever les densités, de repenser la distribution de l’immeuble et la mixité typologique. La confrontation des aires urbanisées et des intervalles naturels et le fait de construire en bordure des infrastructures et des grandes voies suggèrent un profond relèvement des densités. La question du logement élargi à l’échelle de l’immeuble conduit à repenser sa distribution. L’intégration de fonctions collectives (actualisées à l’espace de la voiture, aux équipements résidentiels) supposent des espaces extérieurs au statut clairement défini et maîtrisé, avec un espace logement attractif vis-à-vis de l’habitat individuel, évolutif, modulable et extensible. Telles sont les conditions de la revalorisation de l’habitat urbain. Enfin, la mixité typologique à l’intérieur d’une même parcelle combinant logement collectif et individuel, et lieux de travail, est la promesse d’un minimum de brassage social et générationnel, comme de souplesse et d’évolutivité fonctionnelle. L’espace public On ne peut et on ne doit pas se contenter de constater la tendance à la privatisation de l’espace et l’effacement des actions publiques d’aménagement pour flatter le chaos délicieux et l’entropie fatale des «junkspaces ». Plus que jamais, les politiques publiques correctrices et régulatrices, 108 La ville qui s’invente l’intégration des infrastructures dans un espace public continu et intégrateur est un enjeu politique. L’espace public est clairement et distinctement délimité. Ce qui veut dire clarifier les statuts des espaces, recomposer le foncier partout où cela est nécessaire (et pas seulement dans les grands ensembles), réinvestir les délaissés (notamment ceux des infrastructures), restructurer les franges bâties adossées aux voies. L’espace public dessert et distribue. Il est accessible et donne prise à chacun. Il est continu et maillé, ce qui veut dire remédier systématiquement aux culs-de-sac et aux enclaves, recouper les «méga-îlots», donner accès aux réseaux structurants afin de leur conférer une visibilité et une épaisseur (transports en commun, assainissement), desservir, irriguer et raccorder les équipements privés, les zones commerciales, et les parcs. L’espace public est hiérarchisé et ses hiérarchies sont monumentales, inscrites dans la durée. Elles impliquent des hiérarchies de tracés qui gèrent les contextes, et des hiérarchies de types. Les projets d’espace public se font trop souvent à l’échelle du quartier, trop rarement à l’échelle métropolitaine. Les grands équipements, institutionnels, commerciaux et leurs parkings sont aujourd’hui les programmes structurants des projets d’espace public majeur. L’espace public doit être pérenne, solide et de qualité constante où qu’il soit, au centre ou à la périphérie. Le tissu et la profondeur des parcelles doivent être dimensionnés afin de proportionner correctement l’espace public et de limiter les coûts d’aménagement et de gestion. Utile confortable et hospitalier, il présente des valeurs d’intériorité. L’espace public de la ville contemporaine s’est profondément laïcisé ou sécularisé. La dégradation des significations publiques et des institutions interrogent les hiérarchies monumentales traditionnelles. Aujourd’hui, il se constitue rarement dans la dimension réflexive de l’agora. Sa fonction centrale est profondément mise en cause par la dispersion, la sectorisation des grands enclos, des équipements commerciaux l’espace contre le réseau 109 et de loisirs privés. L’espace public et son «identité» se constituent largement par rapport à l’altérité, à l’ailleurs, à la nature ou à l’idée que l’on s’en fait. L’espace public contemporain affirme principalement sa dimension paysagère. Il construit le paysage contemporain et les conditions de sa perception ; il institue le sens donné au territoire. L’espace public produit un paysage collectif et donne une visibilité collective, sociale de la géographie de la ville, une ville aujourd’hui décentrée et plurielle. 110 La ville qui s’invente Conversation au bord de la Loire |
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