La ville contemporaine fait-elle encore société ? Plus que jamais, les villes sont







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Alexandre Chemetoff Peut être pourrions-nous parler du projet en décri

vant comment, sur le site des chantiers et les nefs, nous assurons la maîtrise
d’oeuvre des espaces publics et ainsi mettre en évidence la relation particulière
qui existe sur l’île, entre le plan général, dit «plan guide», et les opérations en
particulier et d’expliquer en quoi il existe un lien de l’un à l’autre?
Dialogue Patrick Henry Je crois qu’il est essentiel de rappeler les condi

ininterrompu entre
Patrick Henry, tions politiques et opérationnelles dans lesquelles se déroule le projet pour
architecte
et Alexandre comprendre son état d’avancement actuel. Nous avons commencé à travailler
Chemetoff,
paysagiste et architecte, sur le projet de l’Île-de-Nantes depuis le 1er janvier 2001 sans compter le
à propos de l’île
de Nantes en général temps de l’étude de définition durant l’année 1999. Sept années se sont donc
et du site des chantiers
et des nefs de la Loire écoulées depuis le début de l’intervention de l’Atelier de l’Île-de-Nantes, pour
en particulier.
conduire le projet de réaménagement de l’Île-de-Nantes. L’équipe dédiée au

projet comprend une dizaine de personnes (architectes, paysagistes…). Elle

travaille entre l’atelier de Gentilly et celui situé place François-II à Nantes

sur l’île. Le projet est porté par Jean Marc Ayrault député maire de Nantes et

le maire adjoint en charge des grands projets, Patrick Rimbert. La conduite

opérationnelle du projet a d’abord été confiée en interne à la communauté

urbaine, Nantes Métropole, tout juste créée afin de bénéficier de l’apport

technique des services pour réaliser les premiers aménagements du quai

François-Mitterrand autour du palais de justice et lancer les premières opérations

de construction. En 2003, alors que le projet entrait dans une phase plus

opérationnelle, il a été décidé de créer la Samoa, société d’économie mixte,

dédiée au projet de l’Île-de-Nantes et aux questions métropolitaines avec à sa

tête, Laurent Théry, jusqu’alors directeur général des services de la communauté

urbaine. Si aujourd’hui on peut en se promenant sur l’île découvrir de
conversations au bord de la Loire 111
nouveaux espaces publics, des chantiers en cours, des logements habités, des

rues restaurées, c’est que dès janvier 2001, il y avait une volonté partagée de

«faire», de mettre en avant le projet et non les procédures et les institutions et

d’engager des travaux d’espaces publics: «commencer par les espaces publics»,

disait-on Les espaces publics comme signe de l’engagement de la collectivité,
comme attention portée à tous et comme mode de partage du projet.
AC Pour autant, inscrire un projet dans la durée, cela ne signifie

pas qu’il dure indéfiniment. Aller vite, c’est la seule façon de s’inscrire dans

la durée, mais, même en allant vite, un projet dure longtemps. Il faut se

faire à l’idée de travailler longtemps, avec intensité mais aussi que les choses

soient finies et non pas infinies. Le projet urbain a un début et une fin.
PH Il ne s’agit pas seulement d’aller vite, mais de considérer

que le projet concerne avant tout les habitants de l’île et pas uniquement

ceux qui viendront. Pour cela, le projet doit trouver une expression «partagée

» que chacun peut apprécier, comprendre. Quoi de mieux alors que de

prendre position sur le terrain en engageant des travaux?
AC «Lorsque cinq ans seront passés » disait Federico Garcia

Lorca, lorsqu’un certain temps sera révolu, y aura-t-il projet, y aura-t-il un

acte visible inscrit sur le sol ? Ces actes construits sont le projet urbain. Passé

ce temps, commencent d’autres histoires. Il importe d’inscrire un projet

dans une durée, celle d’une réalisation concrète. C’est ce que nous avons

fait en définissant non seulement un programme d’action mais la masse

critique d’un projet urbain: un projet urbain, c’est une certaine quantité de

projets réalisés pendant un certain temps, un témoin d’une volonté.
PH La méthode d’intervention consiste en un dialogue permanent

entre l’échelle de l’île, de la ville, de la métropole et celle du détail, de

l’anodin, au point de faire remonter cet «invisible» à l’échelle générale pour

imaginer un programme, un aménagement: «du site au programme et du

programme au site.»

112 La ville qui s’invente
1 Un ponton en cours

de construction va être

installé en juin 2007

le long du quai du parc

des chantiers. Long

d’environ 100 mètres,

il accueillera des bateaux,

des navettes fluviales,

mettant ainsi en

pratique un nouveau

rapport avec la Loire.
AC Un des objectifs du projet est de placer la Loire au centre, c’est-à-dire

à la fois au centre des préoccupations, centre d’intérêt pourrait-on dire, et

aussi centre géographique dans la mesure où le fleuve ne serait plus une

ligne de partage, de démarcation, mais au centre de la ville, pensé et considéré

comme un espace public majeur, à l’échelle de la communauté urbaine

et de la métropole constitué par l’ensemble de l’estuaire entre Nantes et

Saint-Nazaire. C’est ainsi que, en dépit du fait que nous n’agissions directement

que sur l’une des rives, nous plaçons néanmoins la Loire au centre du

projet. Souvent, les grandes échelles ou les échelles dites «territoriales» sont

opposées aux petites échelles dites «locales». Il semble ainsi d’une frontière

temporelle existe entre les unes et les autres, les premières étant inscrites

dans une longue durée et les secondes dans un temps plus coud. Cependant,

pour agir à l’échelle du territoire, il faut agir localement et penser globalement,

mais aussi revoir la manière d’envisager l’action à l’une et l’autre des

échelles. Agissant et imaginant le projet à l’échelle d’un ponton 1 par exemple,

on est en train de créer des liens entre l’île et l’estuaire, d’abord parce

que ce ponton est destiné à accueillir des embarcations qui parcourent l’estuaire

mais aussi parce que la fabrication des pontons eux-mêmes est faite

dans des ateliers à Saint-Nazaire, les passerelles étant assemblées à Guérande,

les unes étant remontées, poussées sur la Loire pour pouvoir être mise à quai

sur le site des chantiers, les autres transportées par camions sur les routes

départementales. On voit ici comment le chantier aussi a sa propre échelle

territoriale et qu’il existe une relation entre la fabrication et les usages, on ne

saurait distinguer en vérité deux échelles distinctes.
PH La nature des aménagements doit tenir compte de la double

identité de centralité et de périphérie de l’Île-de-Nantes. Elle est une

opportunité de renouer une relation avec la Loire, de redonner à Nantes

des façades sur son fleuve dans un rapport qui se jouerait dans l’épaisseur de

son territoire pour créer de nouvelles liaisons n’intéressant pas seulement la
conversations au bord de la Loire 113
«vitrine» face au centre-ville. L’île propose des lieux pour une nouvelle cen

tralité ouverte sur le fleuve, afin de retrouver des équipements, des program

mes qui ne trouvent pas leur place dans le centre «historique». Elle a parfois
des allures de périphérie, «île Beaulieu, île banlieue» entendait-on dire
parfois. Son hétérogénéité est apparue comme sa singularité et sa richesse,
richesse que le projet ne pouvait chercher à gommer. Pour cela nous avons
arpenté l’île, nous l’avons photographiée, dessinée pour mieux la connaître,
nous avons dressé le plan de l’état des lieux pour entrer en connaissance,
pour comprendre ce qui en fonde la spécificité, les différences, l’altérité. Plus
nous avancions dans les études, plus nous nous disions que ce projet devait
véritablement se fonder sur son état des lieux, pas pour le pasticher ou pour
le conserver à tous crins, mais pour entreprendre une sorte de dialogue avec
l’existant, pour profiter de l’incroyable liberté de formes et de la situation de
l’île: «l’état des lieux comme lieu de ressources.» Ce mode d’intervention
nécessite une bonne connaissance des lieux au point de se dire rue par rue ce
qui peut être changé, remplacé, réparé ou conservé.
La façon de considérer l’état des lieux interroge l’économie

générale du projet. On n’est obligé de tout refaire, de tout casser, de faire

un tri esthétique, dire que telle époque vaut mieux qu’une autre. Ainsi,

dans certaines rues on conserve le trottoir, on complète par des plantations,

on remplace l’éclairage… dans d’autres, on repart d’un fil d’eau existant,

on récupère des pavés existants et on utilise l’enrobé de surface en sous-

couche de fondation.
AC Il importe ici de faire le parallèle entre les aléas du chantier,

c’est-à-dire sa vie propre et ce qu’il suppose de transmission, d’échanges

et de dialogue. Ce que nous demandons par exemple aux entreprises,

quand elles dressent un état des lieux au fur et à mesure de l’avancement

des travaux. Les terrassements du site des chantiers sont en même temps

le moyen de révéler un état des lieux qui était dissimulé, enseveli. Il y a
Alexandre Chemetoff.


114 La ville qui s’invente

une similitude entre le terrassement et un travail de fouille archéologique.

De la même façon, dans la découverte d’états antérieurs du site, comme

dans la déconstruction des nefs se déterminent les conditions de leur

restauration. Il ne s’agit pas de démolir mais de mettre à jour un état

des lieux pour déterminer les modalités d’une intervention et définir les

modes d’occupation.
PH La règle donnée à chaque programme est de venir se poser

dans les nefs, sans prendre appui sur sa structure afin de distinguer les différentes

fonctions, les différents usages et dans l’idée que ces équipements

sont ici installés pour une durée correspondant à leur utilité, durée au-delà

de laquelle ils peuvent être remplacés par d’autres.
AC Tout se passe comme si le projet urbain était une manière

de faire en sorte que des positions, des considérations esthétiques puissent

être révisées. Projeter, transformer, c’est donner à voir autrement, changer

le point de vue sur les choses en place et, de cette manière, engager leur

transformation elle-même dans un aller-retour entre le site et le projet, le

projet et le programme, entre le site comme la relation entre les choses et

le site dans sa fabrication même, c’est-à-dire la texture, la construction, les

assemblages. Ici, le fait d’être aux prises avec la transformation concrète

des nefs permet de se servir du chantier comme un moyen de préciser, de

transformer des intentions. Le choix de la couverture se précise ainsi au vu

des échantillons et des exigences d’entretien, d’accessibilité de la toiture.

La texture, la matière, la couleur sont mises en jeu dans le chantier qui

n’est naturellement pas l’exécution mais la concrétisation, la matérialisation

d’un projet.
PH Les nefs sont totalement vidées, les parois intérieures sont

démolies. Seules sont conservées la structure primaire et la charpente, qui

est réparée et consolidée afin de répondre à de nouvelles sollicitations. La

toiture est constituée de plaques de polyester translucide laissant passer la

conversations au bord de la Loire 115
lumière du jour et diffusant l’éclairage des projecteurs qui illuminent les

rues des nefs: l’outil est adapté et paré à accueillir de nouvelles fonctions,

de nouveaux chantiers.
AC C’est ainsi que se fabrique le projet urbain, dans une interaction

entre l’état des lieux et le projet. Tout se passe comme si l’analyse ne

précédait pas le projet mais qu’elle était concomitante au développement

du projet même. L’analyse du site et la connaissance des lieux s’affinent et

se précisent au fur et à mesure de l’avancement du projet et nous considérons

que petit à petit, le projet est aussi une expérience qui nous permet de

mieux connaître le site et les terrains d’intervention. Plus nous avançons,

mieux nous connaissons l’état des lieux, plus nous apprenons à utiliser ce

qui existe comme le support de la transformation du site, non pas comme

un support à l’imaginaire mais comme un élément avec lequel il faut composer,

contre lequel il faut lutter. Le site et l’état des lieux ne sont pas un

volet à partir duquel se compose le projet, c’est un dialogue ininterrompu

entre le projet et le site, un aller-retour permanent. Et le projet est un instrument

de connaissance du site, un moyen d’en éprouver la résistance.
PH Pourquoi donner le sentiment que c’est facile, que nous

procéderions par simple déduction, comment dire que les projets naissent

des contingences sans laisser penser qu’il s’agit seulement d’accompagner le

mouvement? La démarche de projet entreprise sur l’Île-de-Nantes engage,

on l’a dit, un dialogue ininterrompu entre l’état des lieux et les programmes

envisagés en posant la question de leur adéquation en des termes qui

dépassent la simple question capacitaire. Cette attitude considère chaque

élément de projet à la fois comme partie et totalité : partie d’un grand projet

que serait l’Île-de-Nantes et totalité comme sujet en soi, objet de toutes

les attentions. La question de l’histoire, des traces laissées par des activités

passées pourrait apparaître comme un renoncement, une facilité conceptuelle

concédée à une forme de passéisme voire de fétichisme. Le territoire

116 La ville qui s’invente
2 Le dessous des cartes,

André Corboz, Atlas

du territoire genevois
— permanence et

modifications cadastrales

aux xixe et xxe siècles,

école d’Architecture de

l’université de Genève,

centre de recherche sur

la rénovation urbaine,

Georg éditeur, 1993.

n’est pas un simple support, « une étendue passive qui admettrait à peu près

n’importe quel aménagement: il manifeste ce qu’on pourrait appeler des

aptitudes. Le résultat devrait naître d’une sorte de négociation, sans perdre

de vue que le projet précède parce que c’est lui qui permet de sélectionner

ce qui, dans l’analyse, est pertinent» 2 Il s’agit de tirer partie de chaque

situation en la considérant dans un tissu de relations complexes et subtiles.

Il n’y a aucun a priori, aucun parti pris considérant qu’il existe de mauvais

terrain, de mauvais programme que l’on se trouve sur l’Île-de-Nantes sur

d’anciens sites industriels ou autour du centre commercial Beaulieu, ou

encore sur le plateau du Haut-du-Lièvre à Nancy ou sur le Champ-de-

Mars à Angoulême.
AC Comment ça va sur les chantiers ?
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