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superbe parc de Beauregard. Est-ce la faute au déficit de transports publics, à leur coût, à l’art et à la manière de circuler dans l’agglomération? Quel sens 138 La ville qui s’invente revêt ce parc urbain installé à la campagne? Le surinvestissement dans l’espace public est problématique: il y a manifestement plus d’argent dans l’aménagement que dans les constructions. Quel est le bon équilibre? Olivier Mongin, philosophe invité: Je partage l’avis d’Alexandre Chemetoff qui estime qu’il n’y a jamais de privé pur et que les frontières entre les deux sphères publique et privée sont poreuses. Pour autant, le débat sur les objets architecturaux est accessoire. La vraie question est de savoir si Saint-Jacques-de-la-Lande forme ou non un ensemble, s’il existe un imaginaire commun et partagé propre à cette ville ? Un sentiment d’appartenance? Daniel Delaveau: Je me moque de savoir si les habitants se sentent Jacquolandais ou non. La question est plutôt faut-il fusionner Rennes et Saint-Jacques ? Les nouveaux habitants de Saint-Jacques proviennent à 45% de Rennes, à 15% de la commune, à 15% de l’aire métropolitaine et le solde du département ou d’ailleurs. Leur première motivation, c’est la proximité de Rennes. Ce sont des urbains qui recherchent un mode de vie urbain. Leur deuxième motivation, c’est le coût des logements offerts et j’en suis fier. N’oubliez pas que 50% des foyers sur l’agglomération disposent de revenus mensuels inférieurs à 2 500 euros par mois. C’est pourquoi notre investissement dans le logement social va monter de 26 à 50 millions d’euros et pour l’aménagement, je m’inscris en faux: il n’y a pas de surinvestissement dans l’espace public. Je constate que la forme urbaine donnée au centre de Saint-Jacques est plébiscitée et que la ligne de bus qui le relie à Rennes est la plus fréquentée. Ignace Griffo, architecte-conseil del’Aisne: Au-delà du projet urbain maîtrisé et tenu, au-delà de l’architecture bien souvent remarquable, subsiste la question du territoire. Le choix du site de Saint-Jacques était-il pertinent? N’y avait-il pas d’autres endroits pour ériger ce morceau de ville? Est-ce bien un lieu stratégique pour Rennes? Patrick Berger et Michel Velly. Visite à l’école d’Architecture de Rennes. La ville s’invente-t-elle ? 139 Daniel Delaveau: Sur le territoire de la commune, c’était assurément le seul endroit possible. Maintenant, il est vrai qu’il faudrait d’autres opérations comparables à l’échelle de la métropole. Je ne connais pas de ville qui ne saute pas tôt ou tard sa muraille. Et pour ma part, je ne supportais pas d’assister passivement au vieillissement et au dépérissement de ma commune. La responsabilité première de l’élu, c’est d’accueillir la population. Pascal Lelarge, directeur adjoint de la Dguhc : Précédemment en poste sur Rennes, permettez-moi de réagir, la parole étant libre ici. J’observe de nombreuses petites piques concernant la route et la préoccupation routière. J’ai vécu ici de nombreux débats enflammés et constaté beaucoup d’interdits. Pourquoi l’axe Rennes-Saint-Malo se raccorde-t-il si mal à l’axe sud en direction de Nantes-Saint-Nazaire? Pourquoi le métro ne se prolonge-t-il pas au-delà, pourquoi reste-t-il bloqué à l’Alma ? Pourquoi tant de tabous concernant l’organisation des flux et certains territoires comme La Courrouze, ce terrain militaire en tampon entre Rennes et Saint-Jacques? L’armée a fait perdre des années à tout le monde. La moitié des logements neufs se construit dans des villes de moins de 2000 habitants et ce constat s’impose à nous. Idem pour les activités ou les équipements. Par exemple, pourquoi n’y a-t-il pas de multiplex à l’intérieur du périmètre de la ville centre? Le développement se cristallise à l’extérieur, induisant ce mouvement pendulaire propre aux agglomérations. À quoi bon le nier: une partie de la réponse réside dans le pDu et une autre à l’extérieur, dans le territoire diffus. Quel discours tenir aux élus à 30 km de Rennes? Voilà ce qui me préoccupe! Quelle discussion engager avec les grands opérateurs privés à cette distance, quels éléments négocier? Jean-Paul Scalabre, architecte-conseil de la Martinique : Ma question est politique et s’adresse aux politiques : pourquoi y a-t-il aussi peu de villes en France qui mènent une vraie politique urbaine. La démocratie participative ne saurait éluder la question. Je vois peu d’élus aussi 140 La ville qui s’invente La salle des diplômes de l’école d’Architecture de Rennes. engagés que ceux de Rennes. Par ailleurs, je constate un fossé immense entre une architecture savante, sourde à la ville, laquelle est l’apanage des grands équipements publics, et une architecture plus courante qui est celle du logement. Comment y remédier? Bertrand Mathieu, architecte-conseil de la Vienne: On ne peut pas dire qu’il y a surinvestissement dans les espaces publics. Certes, ces centaines des m2 de plantations en pleine campagne ont de quoi intriguer et la question du juste investissement et de la juste dimension se pose différemment selon la nature du territoire. Mais plus que le coût d’investissement, le coût d’entretien mérite attention. Il y a là un important facteur multiplicateur. L’entretien et la durabilité comptent plus que l’investissement initial. Serge Renaudie, architecte-conseil de la Marne : Posséder, c’est décider. Un proverbe que je viens d’inventer. La maîtrise publique du foncier implique-t-elle une culture urbaine en obligeant décideurs et promoteurs à avoir une culture ? Jean-Pierre Cambournac, architecte-conseil : Le luxe observé sur les espaces publics appelle un parallèle avec le modèle anglais et les parcs de Londres souvent plus naturels et spontanés. Fallait-il faire de tels efforts ? on a effectivement beaucoup parlé habitat et transport et pas du tout des activités et de l’industrie. Les secteurs distingués par le projet urbain de Rennes sont-ils appelés à accueillir des activités? Florence Crépu, architecte-conseil de la Haute-Vienne: Où sont les architectes? Sont-ils présents dans les institutions et dans la maîtrise d’ouvrage publique? Les objectifs des politiques sont-ils traduits par des professionnels en termes opérationnels? Les architectes sont parfois conseils, leur choix se faisant essentiellement sur la notoriété, mais ils sont le plus souvent absents des organigrammes. Le chemin de la qualité passe par eux ; il faut des gens formés sur le projet pour le défendre. Tout un champ reste à investir pour les architectes La ville s’invente-t-elle ? 141 Jean-François Revert, architecte-urbaniste, représentant l’école de Rennes : Pour rassurer certains, je peux dire que des rapports existent entre l’école et les collectivités locales. Des liens se tissent et des rencontres sont à l’étude sur l’axe Saint-Malo-Rennes-Saint-Nazaire. L’école n’est qu’une école, mais elle peut joindre sa voix au concert. Michel Kagan: Ces deux jours de visite et de présentation de la politique urbaine de l’agglomération de Rennes ont tourné, me semble- t-il, autour d’une question de base: la ville fait-elle encore société? Et pour cela, nous avons vu qu’il fallait réunir beaucoup de conditions, notamment au niveau de la maîtrise du foncier et de la problématique des déplacements. Sur ce dernier point, nous avons pu constater qu’il n’y avait pas de métro pour aller à Beauregard, pas de métro non plus pour aller à Saint-Jacquesde- la-Lande. S’il est vrai que la question des transports est fondamentale pour faire la ville, une autre question me semble primordiale : quelle est l’échelle de cette ville? Quelle est la mesure de son territoire? À l’évidence, cette ville contemporaine que nous «traquons» à Rennes se trouve au-delà de la rocade, sur ces franges où s’opère un urbanisme de secteurs et de Zac. Ces Zac fixent un corpus de règles, mais en dehors de ces périmètres opérationnels, que se passe-t-il? Si la question reste entière, il ne faut cependant pas méconnaître l’expérience rennaise qui représente 25 ans de politique urbaine embrassant la ville et l’agglomération. Une telle expérience, est à prendre en considération! Nous sommes venus à Rennes pour en prendre connaissance et l’appréhender sur le terrain. Quelle est donc l’échelle de cette ville contemporaine, de cette métropole de 400000 habitants? Et peut-on encore faire la ville à cette échelle? Mais quelle dimension a-t-elle au juste, cette agglomération? Elle n’est finalement pas si grande, peut-être 10 km sur 10 km… Qui sait répondre ? Personne ne se risque à mesurer la ville par la géométrie, ce legs essentiel des Grecs anciens. 142 La ville qui s’invente Extérieurs de l’école d’Architecture de Rennes. Ces journées m’inspirent une autre réflexion : il me semble que le raisonnement de Bernardo Secchi doit être développé. Nous pouvons débattre avec Patrick Germe de la consolidation urbaine du quartier Clemenceau et de l’organisation de l’axe Sud, avec Jean-Pierre Pranlas-Descours de la grille urbaine de Saint-Jacques-de-la-Lande. Bernardo Secchi, lui, nous rappelle que la ville est d’abord un paysage. À l’échelle métropolitaine qui nous intéresse, faut-il densifier uniformément en remplissant tous les vides ou bien, comme le défend Secchi, considérer le territoire comme un paysage qui intègre la dimension régionale: un territoire dans lequel les activités agricoles trouvent leur place, avec des corridors écologiques et des respirations. La densité métropolitaine ne peut exister sans cette respiration: la bio-diversité urbaine. De même les maisons de Christian Devillers, à Saint-Jacques, posent la question du lotissement au-delà des questions de goût. Faut-il continuer à faire de la maison individuelle telle qu’elle se fait en France aujourd’hui comme l’a si bien exposé Christina Conrad dans une récente tribune? Cette interrogation reste sans réponse de la part des politiques. La maison de Devillers ou bien la maison Phénix revisitée par Jacques Ferrier, pour ma part, c’est du pareil au même. Le problème de fond est ailleurs et dépasse la question du dessin. Pour terminer, je voudrais savoir s’il faut continuer à courir derrière l’effet Bilbao dans toutes les villes, avec de grands bâtiments publics qui coûtent extrêmement cher. Je ne m’oppose pas aux grandes institutions et réalisations prestigieuses mais je pose la question : faut-il des équipements de quartiers en nombre et de qualité ou bien de grandes institutions phares ? On voit bien que nos équipements publics ne disposent pas d’assez de moyens pour fonctionner de manière innovante, pour être plus polyvalents, pour ouvrir le week-end et à d’autres publics, par exemple. Des bâtiments exceptionnels comme celui de Patrick Berger pour l’hôtel de Rennes-Métropole, ou encore les archives départementales La ville s’invente-t-elle ? 143 d’Ibos et Vitart, ont un coût de construction qui oscille entre 2 000 et 3 000 euros du m2. Ces constructions relèvent bien de la fabrication de la ville et de sa mise en scène symbolique. Or, la ville a aussi besoin aujourd’hui de petits équipements publics de proximité, au sein des quartiers, et même à raison de plusieurs par quartier. C’est pourquoi la remise en cause de l’investissement dans l’espace public m’apparaît déplacée. Il n’y aura jamais assez d’espaces publics ou assez d’espaces débarrassés de constructibilité, comme libérés. Je pense à cette initiative d’un maire de New York dans les années 1970, Lindsay si je me souviens bien, qui consistait à geler les terrains sous forme de « poches vides » quand leur occupation restait incertaine. Comme dans West Side Story, il en faisait des terrains de jeu pour les jeunes. De plus en plus refermés sur eux-mêmes, les projets d’architecture semblent éviter le sol de la ville. On assiste à un affaiblissement du rôle de l’espace public dans le tissu urbain; de plus en plus résiduel, il est de plus en plus contrôlé par l’interdit et les contraintes en négatif des possibles. L’«espace de contact» semble s’établir dans une dimension de plus en plus virtuelle et de moins en moins spatiale. Il serait bon que nos élus fassent attention à cela: remplir systématiquement les vides n’est pas l’unique solution pour faire émerger la ville contemporaine et permettre de faire entrer la nature dans cette ville: équilibrer les pleins et les vides. Conception graphique Thierry Sarfis; réalisation Olivier Cabon. Photos: Nathalie Régnier; Michel Velly; Hervé Beaudoin. Comité de lecture, transcription, rédaction: Nathalie Régnier et François Lamarre. Coordination éditoriale : Michel Kagan, président du corps des architectes-conseils. Thotm éditions 5 rue Guy-de la Brosse 75005 Paris téléphone et télécopie +33 1 43375658 livres@thotm-editions.com www.thotm-editions.com janvier 2008 Impression Expressions II 10 bis rue Bisson 75019 Paris |
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