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périurbain, les friches de «la nécessité», les territoires agricoles… pourront aussi trouver leur place, leur re-commencement et leur dignité? Comme le constate Bernard Reichen: «La métropolisation, la modernisation des transports urbains et plus généralement l’évolution des modes de vie ont changé le regard porté sur nos villes. De nouvelles pratiques croisent de nouvelles aspirations autour d’un axe central: le grand retour de la nature est l’un des paradoxes de l’écologie urbaine. L’objet central de l’urbanisme ne serait plus seulement la forme urbaine elle-même mais la construction du grand paysage dans lequel des formes diverses vont pouvoir s’installer»2. Au xxie siècle, existe-t-il une idiosyncrasie pour cette ville-paysage léguée par le xxe siècle dont les déterminants physiques, l’orientation, le climat, la topographie… sont à redécouvrir dans un «régionalisme critique» revisité? Un récent rapport du gouvernement britannique indique que 90% de ce qui existera dans vingt a déjà été construit. L’urbanisme du xxie siècle nous ramène à toutes les questions qui n’ont pas eu de réponses au cours du siècle passé. la ville qui s’invente 7 Caroline Fourest constate : « Jamais la France n’a eu autant besoin de logements à loyers modérés. Les classes moyennes ont du mal à rester en centre- ville, les classes populaires ont, elles, renoncé à y vivre un jour, la mixité sociale recule». Pour faire une «France de propriétaires» qui coexiste avec le parc hlm, il faut que la propriété privée des plus modestes soit désenclavée, puisse appartenir au paysage urbain et social et surtout soit entretenue; mais en ont-ils les moyens? Elle souligne encore que: «contrairement aux idées reçues, les quartiers les plus dégradés de France ne sont pas les cités hlm, mais les copropriétés délabrées. C’est l’un des constats faits par le plan Borloo. Mais l’ambitieux plan de rénovation urbaine a choisi de privilégier la destruction-reconstruction plutôt que le rachat-réhabilitation. » 3 Les villes rivalisent d’une offre urbaine dont la qualité est plus géographique qu’urbanistique. Les lotissements continuent de prospérer parallèlement à une autre ville qui doit trouver un nouveau sens à son territoire pour ne pas être seulement l’art de la couture urbaine. Il ne faut plus regarder la ville comme un tracé de rues, mais comme un paysage où les continuités naturelles sont mises au coeur du projet urbain. «Créer de la ville» doit être un set de stratégies irréductibles telle que celle de la modification développée par Alvaro Siza, Vittorio Grégotti et Jean Nouvel. L’idée est qu’aucune architecture, aucune urbanité, aucun paysage nouveau ne peut émerger sans modifier ce qui existe déjà et qu’une ville ne peut se faire sans démolir. « On ne fait pas une ville sans corriger les erreurs qui ont été faîtes» dit Jean Nouvel. «On n’ose plus démolir. Pourtant on a construit en quinze ou vingt ans plus qu’en un siècle. Et il faut non seulement modifier mais il faut aussi ajouter. Mais avant tout, il faut mettre en place des mécanismes de réflexion. Les maires devraient avoir autour d’eux, à l’échelle de leurs communes, des équipes pluridisciplinaires qui réfléchiraient sur des problèmes concrets. Je crois à la synergie culture/économie. Ces équipes doivent aussi se préoccuper des Nec, Les-Champs-Libres, architecte Christian de Portzamparc. 8 La ville qui s’invente valeurs esthétiques d’une génération. L’esthétique véhiculée par la postmodernité décadente n’a aucun sens. L’esthétique d’aujourd’hui, c’est quelque chose de plus conflictuel qui prend en compte la bagnole, le parking et le béton comme le bon goût petit-bourgeois des pavillons de banlieue.» 4 Le géographe français Jean Gottmann, en 1961 employa le premier le terme de « mégalopolis » pour évoquer les conglomérats urbains de la côte est des Etats-Unis. Le résultat est une sorte de région urbanisée dont la forme est continue. À la même date, la sociologue américaine Jane Jacobs 5 mettait en garde contre la transformation de la grille originelle des grandes villes américaines et la disparition du bloc qui a court terme provoquerait la fin de la rue comme de l’espace public. Il est un fait que la ville ancienne vis-à-vis de la ville contemporaine, a toujours été un lieu d’échanges, de conflits et d’amélioration de la condition sociale. Projeter une forme urbaine et maintenant le «Grand Paysage» est plus complexe aujourd’hui que de définir pour une longue période un système de zoning, un développement autoroutier, un tramway, une réglementation hqe, handicapée, thermique ou un nouveau permis de construire! «Il n’y a pas La ville mondialisée. C’est dans ce type de contexte de que des opinions, il y a des critères.» la ville mondialisée que le terme de «bigness» trouve sa raison d’être à Philip Roth partir d’une réponse programmatique comme à Eura-Lille ou Shanghai. L’aphorisme «fuck the context» de Rem Koolhaas trouve le cynisme réaliste nécessaire au développement sans fin des divisions suburbaines, des délaissés des terrains agricoles, des friches industrielles… et des rêves des politiques comme à Dubaï, Marseille… ou Bilbao! Rem Koolhaas questionne les thèmes fondamentaux du monde contemporain tel que la ville ultra-dense ou la promiscuité avec les infrastructures lourdes de la ville qui auraient plus de pérennité que les « quartiers ». Dans son livre Mutations , l’architecte imagine un jeu ludique qui met en scène la «recette» pour créer une ville à partir des éléments clés de la cité romaine : cardo et deocumanus… la ville qui s’invente 9 Ce retour aux fondamentaux est ensuite mis en relation avec les problèmes de structure urbaine des villes à croissance exponentielle. L’approche de Rem Koolhass se caractérise par sa capacité à s’inscrire partout dans le monde, particulièrement là où des situations aberrantes ou démesurées prennent place. L’architecte Hollandais propose une architecture mondiale consciente qui conteste la notion de forme urbaine explicitée par Louis Kahn pour son projet de Philadelphie. «…L’extérieur de la ville n’est plus le théâtre collectif où “ça” se passe; il ne reste plus de “ça” collectif. La rue est devenue un résidu, un dispositif organisateur… La Bigness n’a plus besoin de la ville: elle fait concurrence à la ville, elle représente la ville; ou mieux encore, elle est la ville… Bigness = urbanisme contre architecture. Par son indépendance même vis- à-vis du contexte, la Bigness est la seule architecture qui puisse survivre à la condition désormais globale de la table rase, et même en tirer parti : elle ne s’inspire pas de présupposés trop souvent pressés jusqu’à leur dernière goutte de sens; elle gravite de manière opportuniste vers des emplacements chargés d’une promesse infrastructurelle maximale; elle est finalement sa propre raison d’être» dit Rem Koolhaas. 6 Comme le rapporte Alan Colquhoun, les Bigness sont des types nouveaux, rendus possibles par le capitalisme tardif et les technologies numériques. «Ils sont caractérisés par la généralisation des technologies du spectacle prophétisée par Guy Debord et reflètent l’incroyable pouvoir du capital dans l’économie mondiale actuelle. Ils entretiennent une évidente relation avec l’expressionisme, aussi bien dans le style que dans la glorification de l’édifice isolé. La connexion entre la modernité en tant que style et la préoccupation sociale si importante dans le modernisme a complètement disparu en raison de la privatisation de l’espace.» 7 . Il existe à contrario, dans certaines villes européennes, des processus centenaires de planification urbaine qui se maintiennent comme à Barcelone ou Helsinki, contre-exemples à la norme de la mégalopole 10 La ville qui s’invente régionale ou nationale. Le futur de cet urbain tend cependant à se concentrer vers les centres-urbains existants ou vers des parties choisies de la mégalopole. C’est ainsi que les principes d’une ville-archipel voient le jour progressivement à Rennes dans les années quatre-vingt ou la refondation complète de l’Île-de-Nantes à la fin des années quatre-vingt-dix. Dans le même temps, nous rappelle Kenneth Frampton, «La région urbanisée continue de consolider son emprise sur des territoires de plus en plus vastes comme à Randstadt au Pays-Bas ou le corridor Tokyo- Hokkaido au Japon. Ces régions urbanisées sont sujettes à des vagues d’expansion sporadiques qui se situent soit dans une escalade hors de tout contrôle ou qui entre dans des périodes de stagnation. C’est cette instabilité que doit affronter l’urbaniste dans le cadre d’une tâche impossible, l’une dans laquelle l’intervention civique doit être capable d’apporter le sens de l’espace public: définir ses lieux mais aussi servir de support légal puissant et efficace pour les futurs développements d’une région » 8. Afin d’éviter tout anachronisme révisionniste, Kenneth Frampton propose le terme de « méga-forme » pour se référer au potentiel offert par certains tissus urbains horizontaux capables d’assumer des transformations topographiques à l’in térieur du paysage métropolitain existant. Aussi, il précise qu’une méga- forme peut incorporer une méga-structure, mais qu’une méga-forme n’est pas nécessairement une méga-structure. Le paysage comme infrastructure devient paysage urbain; la biodiversité urbaine dépasse la peur du vide des édiles de la ville en établissant une révolution environnementale. C’est tout le sens que décrit Alvaro Siza à Evora. Le futur comme le présent et le passé de la ville deviennent processus de modification mettant en oeuvre le temps et le lieu. Ici préexiste un site — Evora — sur lequel Siza vient y inscrire un projet, et sur ce site vient se poser l’usure temporelle. Le temps est alors perçu dans son évocation passée, dans sa détermination présente mais aussi dans sa présence future. L’urbanisme de «Se libérer de la crainte du futur en déterminant ce futur comme un présent. » Manfredo Tafuri Jacques Audren et Michel Kagan sur l’Île-de-Nantes. la ville qui s’invente 11 modification n’est pas inscrit dans un temps défini, il laisse ouvert les possibilités de nouveaux changements… pour mettre en valeur de nouveaux rapports. Le lieu est donc le matériau premier de l’urbanisme, sans quoi la ville n’existe pas. C’est donc avec une attention particulière au site, en harmonie avec le paysage, dans une continuité sans mimétisme, dans un langage situationnel sans image préétablie, si poétique soit-elle, que Siza explore le devenir de la ville. La révolution environnementale «La ville des mille plateaux». « L’intéressant, c’est le milieu» nous apprend Gilles Deleuze, et Olivier Mongin complète en disant: «Rythmant simultanément un espace-temps sur le double mode du continu et du discontinu, l’expérience urbaine peut être pensé comme «mi-lieu» 9 grâce à des pensées apparemment antagonistes. La pensée d’un Ricoeur, une pensée de l’institution et de la durée publique dont l’architecture de Louis Kahn est une chambre d’écho, peut coexister avec une pensée de rupture et du bouleversement comme celle de Gilles Deleuze. Est-il surprenant que celui-ci rapporte le mouvement de dé-territorialisation- re-territorialisation à la ville-refuge et qu’il valorise l’«entre-deux»? Celui-ci doit être envisagé sous l’angle de l’institution de limites. Entre instituant et institué, l’expérience urbaine est toujours un «mi-lieu» qui valorise l’«entre-deux», un «entre-deux» entre dehors et dedans qui est l’expression d’une relation tissée avec le monde ». Ces oppositions théoriques soulèvent le thème transversal de l’ambiguïté et de la complémentarité de ces réponses à la question d’un urbanisme inclusif opposé à un urbanisme exclusif. Située entre fiction et réalité, contextualisée entre réel et représentation, elles interpellent ce qu’Annah Arendt appelle « l’espace de l’apparence publique» 10, c’est-à-dire la condition de la relation d’individu à individu dans l’espace public de la civita activa ? 12 La ville qui s’invente «Quels milieux, quelles mesures, quelles lisibilités, quelles centralités pour la ville contemporaine?» demande Sergio Crotti?11. Le critère est que le seuil crée un milieu, un entre-deux. Le seuil s’oppose à la diffusion amorphe de la ville contemporaine. Le seuil divise et décide de ce qui est inclus de ce qui est exclu. Dans la banalisation du paysage d’aujourd’hui, il y a une exigence pour créer des seuils artificiels créés eux-mêmes par de nouvelles centralités et par les nouveaux lieux d’intérêt de la métropole diffuse. Le seuil comme une nouvelle frontière devient la matrice de l’habitat, le squelette de la transformation urbaine. Pour contraster avec l’extension informe des développements hors projet urbain, le seuil restitue la qualité perdue des lieux anciens. Le seuil bien que valeur hiérarchique dans un paysage valorise le sens de l’espace et la lisibilité entre les lieux organisés et les lieux chaotiques. Espace de transition, le seuil n’est pas le point où quelque chose finit mais le commencement de sa vraie essence. Montagnes, rivières, vallées… comme les grandes infrastructures, les préexistences émergentes, les ponts, les portes… divisent des régions urbanisées ou naturelles et connectent par des seuils la nature à l’urbain fragmentée mais, en même temps, les rapprochent et les identifient. Le dépaysement de la ville dispersée nous force à penser que le seuil ne divise pas deux univers dotés de sens mais, désormais, met ensemble différentes échelles de paysage urbanisé. «Ce qui distingue Vers un urbanisme d’architecture. L’avenir de la ville qui le pire architecte de l’abeille la plus s’invente est dans le devenir du déjà là, de l’ici et maintenant. Trois cultures experte, c’est qu’il a construit la cellule ou courants de pensée pourraient être proposés pour comprendre ce qu’est dans sa tête avant de la construire la contemporanéité. Elles se mêlent éventuellement et se distinguent l’une dans la ruche». Karl Marx. de l’autre selon l’intensité des mixités de ces courants; c’est la ville des Mille Plateaux de Deleuze et Guattari: — une culture transversale, qui redéfinit sans cesse la modernité et la |
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