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négociant ses contradictions entre échelle d’espace et échelle de temps. Le projet La deuxième question que je voudrais aborder est celle du projet. En amont de la question même du projet, se pose en quelque sorte la problématique de l’espace du projet, de son mode d’élaboration et partant de son identité. Y a-t-il place dans cette élaboration à une liberté de conception, à un véritable processus de création, ou bien la ville en train de se faire 56 La ville qui s’invente ne peut s’inscrire sur le terrain qu’au travers des formes convenues et de figures urbaines qui ne feraient que se reproduire, n’admettant que de rares transformations ? Y a-t-il place pour l’innovation, voire même la rupture, ou bien la liberté de création doit-elle s’effacer devant ces lents processus de reproduction avec leurs passages à niveau non opérants, puisqu’il n’y aurait plus de passage tout court d’un état à l’autre? Sommes-nous condamnés à rester de bons praticiens sans grand esprit inventif, aidant à gérer la ville dans son développement, ou pouvons-nous parfois proposer de transformer cette ville, ce cadre de vie, dans une perspective de création, par un mécanisme original qui va ouvrir dans le temps sur de nouvelles formes urbaines possibles, suivant des échelles de territoires à bien définir? Pouvons-nous échapper aux modèles dominants, rassurants pour les professionnels de l’urbain, sécurisant pour les politiques, si bien tolérés par les associations, le public, les médias, à l’heure où tant de choses basculent ? sans bien savoir où elles nous entraînent, peut-on se passer d’ouvertures dans le développement urbain avec des espaces à nouveau favorables à l’innovation, l’expérimentation, la recherche de nouveaux types d’habitats et d’occupation du territoire ? Ouvrir les fenêtres sur l’avenir, c’est d’abord faire appel aux forces de la création, en révisant nos capacités d’investigation dans l’histoire et la géographie. Dans ce sens, il faut saluer le merveilleux travail de Fernand Braudel. Le centre de la question du projet, c’est la combinaison des forces créatives qui vont le produire et des forces politiques qui vont le porter. Là, on est en plein dans la problématique du passage à niveau. Ici, je voudrais dire deux mots de cette relation délicate qui lie le concepteur et le décideur, où l’un et l’autre se regardent l’un et l’autre avec l’inconsciente envie que les rôles soient inversés mais tous deux parfois alliés dans ce secret désir du pouvoir, ici et maintenant, faire que l’imaginaire puisse produire du réel autrement, aux confins de l’utopie. Rarement atteinte mais Ô combien Échelles de territoires, passages à niveaux 57 nécessaire, cette relation dépendant de la qualité de ces personnalités, de leurs rapports au travers d’une estime réciproque, doit, bon an mal an, transgresser et donc briser le carcan souvent pesant des dogmes. Penser le futur ne peut éclore que si des risques sont pris sur le plan politique, au-delà du temps du mandat électif, en étant certain de ne pouvoir être compris de beaucoup et sans être sûr d’atteindre l’objectif, tant le parcours sera difficile et l’usure du temps réductrice. La continuité de pensée et de responsabilité est pourtant nécessaire, en pilotant avec l’intelligence de savoir adapter en gardant le cap. Le temps de l’urbain est un temps long et le savant et habile slalom entre les passages à niveau, avec les mêmes skieurs bien conscients des accidents de parcours, peut permettre d’engager comme on dit une spirale vertueuse. Métaphore délicate que celle de la spirale dans ce sport. Je reviens sur cette nécessaire intimité entre le pouvoir de l’imaginaire créatif et le pouvoir de la responsabilité politique, pour dénoncer peut- être la tendance castratrice de ce que j’appelle les phénomènes écrans qui obscurcissent cette relation et parfois la mettent à mort. Le premier de ces phénomènes écrans peut être la prise de pouvoir par une équipe de professionnels de la transformation urbaine, en quelque sorte les technocrates, souvent alliés avec le corps des architectes locaux, avec les notables conservateurs, serrant les rangs autour de leur chef, le maire, seul ou avec ses conseillers les plus proches. De par sa nature même, cette situation peut réduire les dimensions de la transformation urbaine à une production de banalité et de stéréotypes. Même cas de figure si le pouvoir de décision, porteur de propositions novatrices, s’enlise dans un processus de concertation publique qui tient lieu d’édredon amortisseur, et de piège, faute de pouvoir faire éclore et mobiliser l’imaginaire collectif au travers d’un débat dynamique. Le deuxième de ces phénomènes écrans peut-être celui de la programmation avec des professionnels de la chose. Écran entre les concepteurs et le maître d’ouvrage. Or un programme correspondant à une com 58 La ville qui s’invente mande est une matière évolutive et pose la question du dialogue entre programme et projet dans un processus de maturation. Ici l’architecte a le devoir d’intervenir dans un sens de critique positive sur la normale évolution d’un programme. Il y a là un sujet qui peut déstabiliser la bonne conscience générale sur les concours et leur recherche de vedettes. Enfin le dernier phénomène écran dont je voudrais parler, et non des moindres, est celui de la sous-évaluation du difficile rapport de force entre le pouvoir économique et le pouvoir politique, et comment gérer ce rapport de force et peser pour l’infléchir et qu’il puisse créer les bonnes conditions de succès dans le temps du projet urbain et de ses traductions architecturales. Parfois c’est la conviction qui peut entraîner la dynamique du projet à long terme et percer l’écran de l’analyse purement économique avec les lois du marché et la rentabilité immédiate, qu’elle soit financière ou politique ou alliées l’une à l’autre. Sur l’économie et la structuration des zones d’emploi sur Rennes-Métropole. Mon expérience m’amène à dire que tout grand projet qui se veut ambitieux ne peut être mené que par un «petit troupeau» et que dans ce petit troupeau, l’architecte-conseil peut là aussi assumer de grandes responsabilités si sa mission est de longue durée et sa fonction clairement reconnue. À la fois dedans et dehors, avec le recul et la liberté de pensée et d’expression nécessaire, il peut être un rouage utile au bon fonctionnement et à l’efficacité de la machine dès lors que sa compétence et sa personnalité sont reconnues et qu’il participe de ce fait au passage des projets au niveau de la réalité. La transformation urbaine La troisième question que je voulais aborder touche aux conditions de la transformation urbaine dans une de ses dimensions politiques. Là je voudrais parler des domaines législatifs sans entrer dans le détail du réglementaire. Ce problème ne cesse de m’interroger depuis Échelles de territoires, passages à niveaux 59 notre rencontre (je veux avec ce « notre » parler de l’équipe formée avec Pierre Riboulet et Jean-Louis Véret, et plus tard Jean Renaudie, le futur atelier de Montrouge) notre rencontre donc, avec Michel Écochard et les immenses bidonvilles du Maroc. Impossible de penser la ville sans poser le problème foncier et celui du droit des sols. Croit-on vraiment qu’aujourd’hui en France, on puisse se cacher hypocritement les yeux en laissant croire que le système de propriété du sol avec la liberté dont il dispose encore malgré une réglementation plus ou moins bien appliquée ici ou là, puisse organiser une répartition harmonieuse des espaces urbains, en sauvegardant les valeurs fondamentales du respect de l’environnement. Il ne s‘agit pas de remettre en cause le sacro-saint droit de propriété du sol, mais de canaliser les énergies des forces productives tout en sauvegardant les libertés fondamentales des citoyens. Il faut que les collectivités territoriales aux différents échelles puissent devenir de véritables opérateurs fonciers jouant sur les marchés et freinant la spéculation. Nous sommes, avec nos vieux réflexes de paysans, trop timides sur cette question de la gestion des sols, alors que la société urbaine et non plus rurale s’impose partout. Des exemples pertinents existent autour de nous chez nos voisins européens, en particulier belges, hollandais, suisses, nordiques qui ont prouvé que d’autres modes de gestions des sols que ceux que nous pratiquons peuvent donner des résultats tout à fait positifs. Il n’y a pas une solution mais des solutions et à ce propos saluons l’originalité de la politique foncière menée par Rennes depuis plus de 50 ans. Je crois qu’il faut travailler avec les juristes, les maires et les parlementaires convaincus qu’on peut avancer dans ce domaine, à une nouvelle loi foncière, loi-cadre, qui laisserait, dans ses modes d’application, la liberté aux régions d’exprimer, là aussi, leurs identités. On ne peut parler de développement durable et continuer à 60 La ville qui s’invente admettre que nos conurbations ne vont cesser de s’étendre, toujours plus dévoreuses de sols et tartineuses de routes, pour des déplacements toujours plus longs. Il ne s’agit pas seulement de gaspillage d’énergie mais aussi du gaspillage des espaces et du gaspillage du temps. La dimension culturelle La quatrième question, et la dernière est celle de la dimension culturelle de la ville dans la culture en France. C’est un sujet dont la profession est parfaitement consciente, mais qu’elle aborde avec timidité et peu de moyens. Le ministère de la culture et de la communication s’est engagé depuis quelques années dans une stratégie de communication qui joue sur plusieurs registres mais qui touche finalement un public très restreint. Pris dans la mouvance médiatique, il s’intéresse plus aux objets architecturaux, à l’évolution de leur forme, à leurs auteurs érigés en vedettes, qu’aux problèmes de fond concernant l’évolution de nos villes. Rejet facile des responsabilités vers les autres ministères concernés, au premier rang desquels on trouve l’équipement, l’éducation nationale et l’environnement. Nous avons évoqué pour la politique foncière des exemples de dynamiques progressistes qu’on peut trouver chez certains de nos voisins européens. Prenons bien conscience aussi des énormes progrès que la culture française doit faire dans le domaine de l’architecture, de l’urbain, du paysage. Prenons deux exemples: l’Italie avec sa longue histoire et son sens méditerranéen de l’appréhension de l’espace. Je pense à la sagesse dans la transformation des villes comme Bologne ou Sienne, sagesse portée par des professionnels dans leur dialogue avec les politiques, mais sagesse portée aussi par une longue tradition populaire de culture urbaine. Autre exemple très différent: la Finlande, où, dès leur jeune âge, les citoyens sont appelés à s’interroger sur les qualités de leur environnement, à participer, par l’éveil de leur sensibilité, à quelque chose qui n’est même pas du domaine d’un Échelles de territoires, passages à niveaux 61 débat mais plutôt qui participe d’une conscience collective à propos d’un enjeu vécu comme essentiel. C’est aussi ça, la culture, et on en voit les effets directement sur l’organisation d’un territoire, sur la production de l’espace bâti, sur l’architecture la plus commune. Dans la gestion des inévitables conflits entre valeurs publiques et biens privés, il y a individuellement et collectivement l’exercice d’un sens commun où c’est le bien commun qui est presque naturellement recherché. Des progrès ont été réalisés dans les vingt dernières années, malheureusement par des moyens qui s’adressent souvent à des publics composés de nantis culturels. Des films. Une certaine presse. Des actions de sensibilisation comme peuvent en mener les caue et des associations militantes, les journées du patrimoine, quelques discours d’élus convaincus qu’ils doivent se mobiliser pour montrer l’importance des enjeux que peut comporter le partage d’une culture architecturale et urbaine, dans l’exercice de leur fonction et de leur responsabilité en la matière pour le développement même de leur fief électoral. C’est pourquoi j’ai eu l’occasion de dire au ministre de la culture, dans le cadre de ce conseil d’architecture qu’il a instauré auprès de lui avec les architectes « grand prix » nationaux, qu’il fallait conduire, dans le rapport émetteur-récepteur, une politique qui s’appuie sur les progrès faits par les émetteurs (je veux parler de la production actuelle des architectes en France) et mettre, désormais, les efforts sur les récepteurs (c’est-à-dire le public et ses décideurs). C’est un objectif fondamentalement démocratique. Pour être atteint, il passe de manière obligée par tous les niveaux de nos structures et de nos institutions d’enseignement… Vous voyez les difficultés, et l’obstination dont le politique devrait faire preuve. Là encore, c’est peut-être dans le cadre des institutions régionales que les politiques culturelles pourraient trouver leur meilleur dynamisme, leur originalité, leur pertinence. 62 La ville qui s’invente L’axe sud ou l’unité de la ville en projet Patrick Germe, architecte-urbaniste, enseignant à l’école d’architecture de Paris-La Villette. 1 Cette étude (Germe et JAM, mars 2000), commanditée et pilotée par la direction de l’Urbanisme de la ville de Rennes (Dafu) s’est appuyée sur les nombreuses études précédemment menées par cette direction. Merci notamment à Jean-Louis Berthet, directeur général des services techniques, à Alain Lorgeoux, Frédéric Rossignol, Éric Toquer et Françoise Lostanlen (Dau), sans lesquels ce travail n’aurait pu revêtir cette forme. Le projet de l’axe sud de la ville de Rennes 1 transcrit dans l’espace public et en surface la connexion opérée par le métro des grands ensembles de la périphérie avec le centre-ville et l’université. Il s’agit d’un projet d’espaces publics, de voirie et de recomposition du tissu urbain qui se déploie depuis la rocade sud jusqu’au Parlement de Bretagne. Son propos est d’unifier et |
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