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Fiche 3 : Le Code civil européenDepuis une dizaine d’années, s’est engagé un débat sur l’harmonisation du droit des obligations au niveau européen. Les diverses initiatives dans ce domaine, qu’il s’agisse des Principes du droit européen du contrat, de l’avant-projet de code européen des contrats ou de l’instrument optionnel dans le droit des contrats européens envisagé par la Commission Européenne, divisent les auteurs et invitent à s’interroger notamment sur l’opportunité, la légitimité, la forme et le contenu d’un tel acte. ExercicesExposé sur le thème : « Faut-il un code civil européen ? » Commenter l’affirmation suivante : « La théorie de la cause est nécessaire en droit des contrats ». Lecture : Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil - Droit européen des contrats et révision de l'acquis : la voie à suivre (COM/2004/0651 final, disponible sur http://europa.eu.int) Documents Doc. 1 : Extraits de D. Mazeaud, « La cause », Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, DALLOZ, 2004, p. 451. Doc. 2 : Civ. 1ère, 12 juillet 1989, Bull. I n°293, p. 194. Doc. 3 : Com. 22 octobre 1996, Chronopost, Bull. IV n° 261 p. 223. Doc. 4 : Article 1131 du Code civil français. Doc. 5 : Articles 4.109 et 4.110 des Principes du droit européen des contrats. Doc. 6 : Article 30 de l’avant-projet de Code européen du contrat. Doc. 1 : D. Mazeaud, La Cause (extraits) « Si on peut conclure, au regard des projets d’harmonisation européenne, à la disparition de la notion de cause de l’obligation, c’est tout simplement parce que leurs dispositions respectives la frappent de caducité. Envisagée, en premier lieu, dans son rôle de protection de l’équilibre contractuel, plus ou moins largement entendu selon que l’on respecte les canons de la théorie classique ou que l’on succombe aux audaces de la jurisprudence récente, la cause de l’obligation se révèle dépourvue d’utilité. En effet, que ce soit dans les Principes du droit européen du contrat ou dans l’avant-projet du code européen des contrats, la protection des contractants contre les déséquilibres contractuels excessifs des prestations est assurée de façon extrêmement énergique. Dans les deux textes, sont ainsi prévues, soit la rescision, soit la révision du contrat, lorsque le profit excessif ou l’avantage déloyal ou manifestement disproportionné, qui déséquilibre les relations contractuelles, est le produit de l’abus, commis par le cocontractant dominant, de la dépendance économique ou intellectuelle de son cocontractant. Autrement dit, dans une certaine mesure, au moins, ces deux projets admettent que la lésion peut provoquer l’anéantissement ou l’adaptation du contrat. Dès lors, étant entendu que la théorie de la cause « fait beaucoup moins besoin là où fonctionnent des systèmes suffisamment larges de rescision pour lésion (…) », l’intérêt de la notion de cause de l’obligation, telle qu’appréhendée en droit français, s’estompe. D’une part, dans une très large mesure, l’admission de la lésion prive d’objet l’exigence d’une cause de l’obligation telle qu’elle est entendue dans sa théorie classique, c’est-à-dire en vue de protéger un contractant qui s’engage sans contrepartie. […] D’autre part, les audaces récentes de la jurisprudence, qui l’ont conduite à exploiter la cause comme instrument de contrôle de la proportionnalité des prestations contractuelles n’ont plus, pour les mêmes motifs, de raison d’être. Les nouveaux textes, comme on l’a constaté, pourvoient suffisamment à cet objectif sans qu’il soit besoin d’avoir recours à la cause. Appréhendée dans son rôle de protection des contractants professionnels contre les clauses abusives, que lui avait « confié » la jurisprudence dans quelques arrêts très remarqué, la cause n’est pas promise à un avenir plus brillant. Une fois de plus, les dispositions des deux projets étudiés rendent totalement superflue la cause de l’obligation ainsi entendue. En effet, dans les deux textes, la protection des contractants contre les clauses abusives se déploie indépendamment de la qualité du contractant victime d’une telle stipulation. Lorsqu’on se souvient que la cause a été exploitée par la Cour de cassation comme un instrument de contrôle de la cohérence du contrat, essentiellement pour pallier l’absence de protection des professionnels contre les clauses abusives, il n’est alors pas hasardeux de penser que, si les projets examinés devenaient réalité, la cause, dans ce rôle spécifique, n’aurait plus de raison d’être. Au fond, si on fait abstraction de la complexité de cette notion qui la rend « suspecte » hors de nos frontières, le déclin éventuel de la notion cause de l’obligation, dans un futur européen plus ou moins proche, n’est que la traduction de la divergence fondamentale qui oppose le droit français et les deux projets d’harmonisation européenne. En droit français, en dépit des avancées jurisprudentielles dont il ne faut sans doute pas exagérer la portée même si, comme l’auteur de ses lignes, on les approuve, l’idée maîtresse demeure que l’équilibre des relations contractuelles relève de la responsabilité des seuls contractants, présumés libres et égaux. Et dans cette perspective, le contrôle de l’équilibre contractuel, tel qu’il est dévolu à la notion de cause de l’obligation, est réduit à une peau de chagrin. Il en va manifestement autrement dans les deux projets d’harmonisation européenne dans lesquels les rapports contractuels sont aussi envisagés comme des rapports de force, dans lesquels l’inégalité économique et intellectuelle des cocontractants est prise en considération dans la détermination du régime du contrat. Dans cette perspective, plus réaliste, des dispositions beaucoup plus exigeantes sont donc prévues pour imposer et restaurer l’équilibre contractuel que l’abus et l’exploitation de ces inégalités a pu fragiliser ou détruire. Par conséquent, si, l’harmonisation européenne du droit des contrat se solde par une disparition de la cause, ce sera, sans doute, au nom d’une conception fondamentalement différente des rapports contractuels que celle sur laquelle s’est édifiée, et se développe encore, du moins grâce à une doctrine majoritaire, le droit français. » Doc. 2 : Civ. 1ère, 12 juillet 1989 Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : Attendu qu'en 1981, M. Pirmamod, parapsychologue, a vendu à Mme Guichard, elle-même parapsychologue, divers ouvrages et matériels d'occultisme pour la somme de 52 875 francs ; que la facture du 29 décembre 1982 n'ayant pas été réglée, le vendeur a obtenu une ordonnance d'injonction de payer, à l'encontre de laquelle Mme Guichard a formé contredit ; que l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 1987) a débouté M. Pirmamod de sa demande en paiement, au motif que le contrat de vente avait une cause illicite ; Attendu que M. Pirmamod fait grief audit arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que la cause du contrat ne réside pas dans l'utilisation que compte faire l'acquéreur de la chose vendue, mais dans le transfert de propriété de cette chose, et qu'en prenant en compte, pour déterminer cette cause, le prétendu mobile de l'acquéreur, la cour d'appel aurait violé les articles 1131, 1133 et 1589 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en déclarant nulle pour cause illicite la vente d'objets banals au prétexte que ceux-ci pourraient servir à escroquer des tiers, bien qu'il soit nécessaire que le mobile illicite déterminant soit commun aux deux parties sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'utilisation personnelle que l'acquéreur entend faire à l'égard des tiers de la chose vendue, l'arrêt attaqué aurait de nouveau violé les textes susvisés ; Mais attendu, d'abord, que si la cause de l'obligation de l'acheteur réside bien dans le transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche la cause du contrat de vente consiste dans le mobile déterminant, c'est-à-dire celui en l'absence duquel l'acquéreur ne se serait pas engagé ; qu'ayant relevé qu'en l'espèce, la cause impulsive et déterminante de ce contrat était de permettre l'exercice du métier de deviner et de pronostiquer, activité constituant la contravention prévue et punie par l'article R. 34 du Code pénal, la cour d'appel en a exactement déduit qu'une telle cause, puisant sa source dans une infraction pénale, revêtait un caractère illicite ; Attendu, ensuite, que M. Pirmamod exerçait la même profession de parapsychologue que Mme Guichard, qu'il considérait comme sa disciple ; qu'il ne pouvait donc ignorer que la vente de matériel d'occultisme à celle-ci était destinée à lui permettre d'exercer le métier de devin ; que la cour d'appel n'avait donc pas à rechercher si M. Pirmamod connaissait le mobile déterminant de l'engagement de Mme Guichard, une telle connaissance découlant des faits de la cause ; Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi Doc. 3 : Com. 22 octobre 1996 Sur le premier moyen : Vu l'article 1131 du Code civil ; Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que la société Banchereau a confié, à deux reprises, un pli contenant une soumission à une adjudication à la société Chronopost, venant aux droits de la société SFMI ; que ces plis n'ayant pas été livrés le lendemain de leur envoi avant midi, ainsi que la société Chronopost s'y était engagée, la société Banchereau a assigné en réparation de ses préjudices la société Chronopost ; que celle-ci a invoqué la clause du contrat limitant l'indemnisation du retard au prix du transport dont elle s'était acquittée ; Attendu que, pour débouter la société Banchereau de sa demande, l'arrêt retient que, si la société Chronopost n'a pas respecté son obligation de livrer les plis le lendemain du jour de l'expédition avant midi, elle n'a cependant pas commis une faute lourde exclusive de la limitation de responsabilité du contrat ; Attendu qu'en statuant ainsi alors que, spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s'était engagée à livrer les plis de la société Banchereau dans un délai déterminé, et qu'en raison du manquement à cette obligation essentielle la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l'engagement pris, devait être réputée non écrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen. Doc. 4 : Article 1131 du Code civil français L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. Doc. 5 : Articles 4.109 et 4.110 des Principes du droit européen des contrats Article 4.109 : Profit excessif ou avantage déloyal (1) Une partie peut provoquer la nullité du contrat si, lors de la conclusion du contrat, (a) elle était dans un état de dépendance à l’égard de l’autre partie ou une relation de confiance avec elle, en état de détresse économique ou de besoins urgents, ou était imprévoyante, ignorante, inexpérimentée ou inapte à la négociation. (b) alors que l’autre partie en avait ou aurait dû en avoir connaissance et que, étant donné les circonstances et le but du contrat, elle a pris avantage de la situation de la première avec une déloyauté évidente ou en a retiré un profit excessif. (2) A la requête de la partie lésée, le tribunal peut, s’il le juge approprié, adapter le contrat de façon à le mettre en accord avec ce qui aurait pu être convenu conformément aux exigences de la bonne foi. (3) Le tribunal peut également, à la requête de la partie qui a reçu une notification d’annulation pour profit excessif ou avantage déloyal, adapter le contrat, pourvu que cette partie, dès qu’elle a reçu la notification, en informe l’expéditeur avant qu’il n’ait agi sur la foi de celle-ci. Article 4.110 : Clauses abusives qui n’ont pas été l’objet d’une négociation individuelle (1) Une clause qui n’a pas été l’objet d’une négociation individuelle peut être annulée par une partie si, contrairement aux exigences de la bonne foi, elle crée à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat, eu égard à la nature de la prestation à procurer, de toutes les autres clauses du contrat et des circonstances qui ont entouré sa conclusion. (2) Le présent article ne s’applique pas (a) à une clause qui définit l’objet principal, pour autant que la clause est rédigée de façon claire et compréhensible, (b) ni à l’adéquation entre la valeur respective des prestations à fournir par les parties. Doc. 6 : Article 30 de l’avant-projet de Code européen du contrat Article 30 Contenu licite et non abusif 1. Le contenu du contrat est licite quand il n'est pas contraire aux règles obligatoires du présent Code ou aux dispositions communautaires ou nationales, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. 2. Le contenu du contrat qui constitue un moyen pour éluder l'application d'une règle impérative est illicite. 3. Est rescindable, comme il est prévu à l'article 156, tout contrat par lequel une des parties, abusant de la situation de danger, de nécessité, d'incapacité de comprendre et de vouloir, d'inexpérience, d'assujettissement économique ou moral de l'autre partie, fait promettre ou fournir à elle-même ou à des tiers une prestation ou d'autres avantages patrimoniaux manifestement disproportionnés par rapport à la contrepartie qu'elle a fournie ou promise. 4. Dans les conditions générales du contrat, prévues à l'article 33, sont sans effet, si elles ne sont pas expressément approuvées par écrit, les clauses qui établissent en faveur de celui qui les a préparées des limitations de responsabilité, la faculté de se désister du contrat ou d'en suspendre l'exécution, ou qui prévoient à la charge de l'autre contractant des déchéances, des limitations à la faculté d'opposer des exceptions, des restrictions à la liberté contractuelle dans les rapports avec les tiers, la prorogation ou le renouvellement tacite du contrat, des clauses compromissoires ou des dérogations à la compétence de l'autorité judiciaire. 5. Dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, hormis les règles communautaires, sont sans effet les clauses qui n'ont pas été objet d'une tractation, si elles créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, même si le professionnel est de bonne foi. |