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pur dans le mal» ; mais, ayant pris conscience d’une odieuse comédie, Scipion «se rejette brusquement en arrière et regarde Caligula avec horreur» et s’écrie : «Oh ! le monstre, l’infect monstre. Tu as encore joué […] Quel cœur ignoble et ensanglanté tu dois avoir. […] Comme je te plains et comme je te hais.[…] Et quelle immonde solitude doit être la tienne !» ; Caligula en fait le douloureux aveu, et son ami «tend une main vers» lui «et la pose sur son épaule» tandis que Caligula «la couvre d’une des siennes». (II, 14). Plus loin, bien qu’il ne croit pas aux dieux, Scipion s’abstient lors du culte rendu à la grotesque Vénus de Caligula et se voit reprocher par Hélicon d’avoir «encore fait l’anarchiste». Mais lui accuse l’empereur d’avoir «blasphémé» car il a «décidé de dire la vérité», tout en faisant cette importante remarque : «Je puis nier une chose sans me croire obligé de la salir ou de retirer aux autres le droit d’y croire». Prenant alors une force analogue à celle de Cherea, il s’oppose à la prétention de Caligula de trouver dans l’exercice du pouvoir une «compensation à la bêtise et à la haine des dieux», affirme : «La haine ne compense pas la haine. Le pouvoir n’est pas une solution. Et je ne connais qu’une façon de balancer l’hostilité du monde […] la pauvreté.» Cependant, voulant venir en aide à son ami en le prévenant du danger qu’il court, il lui annonce qu’il se pourrait que «des légions de dieux humains se lèvent, implacables à leur tour, et noient dans le sang sa divinité d’un moment» (III, 2). Et, quand Cherea l’incite à participer au complot, il se rétracte : «Je ne puis être contre lui […] Quelque chose en moi lui ressemble […] Il m’a appris à tout exiger», ce à quoi l’autre rétorque : «Non, Scipion, il t’a désespéré.» (IV, 1). Lors du concours entre les poètes, son poème sur la mort est le seul que Caligula n’interrrompt pas, s’étonnant : «Tu es bien jeune pour connaître les vraies leçons de la mort» (IV, 12). Scipion sait qu’elle est inhérente à la vie, qu’elle est la vie. S’il s'insurge contre le tyran, ce n'est pas seulement parce qu'il a tué son père (ce meurtre, au contraire, aurait pu créer un lien entre eux), c'est parce qu'il souille par des morts inutiles, sacrilèges et sales, la grande Mort qui donne son poids et sa mesure à I'être humain. Scipion, qui s’oppose à Caligula avec lequel il a une parenté profonde, dont il partage la soif d'absolu et le désespoir, est vraiment un personnage ambigu et troublant. Caligula, qui est à la fois angélique et diabolique, en qui s’entremêlent I'enfant et le monstre, est un personnage extrêmement complexe. Il a pour lui cette jeunesse et cette séduction auxquelles, à maintes reprises, les autres personnages, qui essaient de le comprendre, font allusion. Et il demeure tout rayonnant de grâce jusque dans le mal. De plus, il est intelligent, cultivé, habile. Son règne commença d’ailleurs, dans la douceur et la sagesse. Il fut, comme le présenta Camus pour l'édition américaine de sa pièce, un «prince relativement aimable jusque-là», juste et raisonnable. Un des patriciens le trouvait «comme il faut : scrupuleux et sans expérience» (I, 1). Cherea le qualifie d’«empereur artiste» qui «aimait trop la littérature» (I, 2). Il avait pour la nature cet amour qui le fait communier avec Scipion dans l’improvisation d’un poème. Il serait, par rapport aux patriciens «qui n’ont point d’âme», quelqu’un qui en a trop, et ce serait, selon Caesonia, ce «trop d’âme» qu’on appelle «maladie» (IV, 11). Selon Scipion, il était émotif, tendre, altruiste : «Il répétait souvent que faire souffrir était la seule façon de se tromper.» (I, 6). Il aimait Drusilla, sa sœur-amante, dont, même s’il la cache sous sa quête de la lune, même s’il la minimise («Il y a quelques jours, une femme que j’aimais est morte»), la mort lui a fait subir choc. Devant son cadavre, il découvrit brusquement que «ce monde tel qu'il est fait n'est pas supportable» parce que «les hommes meurent et ils ne sont pas heureux». Il a été frappé, comme par la foudre, par la mort tout court, par l'évidence brutale d'une vérité toute simple, toute claire, qui lui fait considérer «que tout, autour de moi, est rnensonge ! Et moi, je veux qu'on vive dans la vérité !» (I, 4). Désormais convaincu du non-sens de ce monde hostile, il opte pour la folie et le théâtre : par la première, on se coupe de la réalité ; par la seconde, on entre dans l’irréalité et, par conséquent, dans une forme de folie. Il constate raisonnablement que les êtres humains «pleurent parce que les choses ne sont pas ce qu’elles devraient être» (I, 11). Mais, ce qui est cette fois attitude d’enfant gâté ou idéalisme éperdu, il éprouve «un besoin d’impossible», est «obsédé d'impossible», demande à Hélicon de l’aider «à l’impossible» (I, 4), «comprend enfin l’utilité du pouvoir. Il donne ses chances à l’impossible.» (I, 9), se dit encore à la fin : «Il suffirait que l’impossible soit». D’emblée, il avait dit vouloir acquérir cette chose qu’on se contente de demander par plaisanterie : la lune, qui est le symbole lyrique de l’impossible («C’est une des choses que je n’ai pas.» [I, 4]). Il pourrait encore demander «ou le bonheur ou l'immortalité, quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce rnonde» (I, 4), et, s’il place sur le même pied la lune, le bonheur et l’immortalité, c’est que tous les absolus s’équivalent : «Il s’agit de rendre possible ce qui ne l’est pas» (I, 9). En III, 3, il demande encore la lune à Hélicon et déclare l’avoir déjà eue : «C'était l'été dernier. Depuis le temps que je la regardais et que je la caressais sur les colonnes du jardin, elle avait fini par comprendre... Elle a fait quelques façons. J'étais déjà couché. Elle était d'abord toute sanglante au-dessus de l’horizon, puis elle a commencé à monter, de plus en plus légère, avec une rapidité croissante. Plus elle montait, plus elle devenait claire... Elle est devenue cornme un lac d'eau laiteuse... Elle est arrivée alors dans la chaleur, douce, légère et nue. Elle a franchi le seuil de la chambre et avec sa lenteur sûre est arrivée jusqu’à mon lit...» À la fin, il la regrette encore : «Je n’aurai pas la lune. […] Si j’avais eu la lune […] tout serait changé.» (IV, 14). Il fait de son rêve d’impossible la mesure de toute chose, décidant de profiter à fond de tout ce que le pouvoir lui permet pour voir si l’impossible peut devenir réalité. Dans sa présentation pour l'édition américaine, Camus le définit comme «obsédé par la quête de l'absolu». Est-il fou? Il n’est pas étonnant qu’il se récrie : «Mais je ne suis pas fou et même je n’ai jamais été aussi raisonnable» (I, 4). Est-il doué d’une clairvoyance troublante? C’est l’éternelle question de la définition de la folie. En tout cas, déçu, malheureux, éperdu, désespéré, cet ange désormais déchu, devient délinquant, méchant, rageur, détestable, d’une versatilité et d’une imprévisibilité constantes, dont voici quelques exemples : - Alors que Cherea nous dit qu’il «aimait trop la littérature» (I, 2), il le voit se retourner contre lui : «Je n’aime pas les littérateurs et je ne peux supporter leurs mensonges. […] Le mensonge n’est jamais innocent. Et le vôtre donne de l’importance aux êtres et aux choses.» (I, 10). - Caligula déclare vouloir «que la souffrance décroisse et que les êtres ne meurent plus», faire «à ce siècle le don de l’égalité» (I, 11), mais ne fait qu’infliger souffrances et morts, et s’érige en dieu au-dessus des humains ! - Hélicon dit à Scipion : «Je sais que tu pourrais tuer Caligula… et qu’il ne le verrait pas d’un mauvais œil» (II, 13). - Avec Scipion, il célèbre la nature puis soudain profère : «Tout cela manque de sang», d’où la réaction de son ami : «Oh ! le monstre, l’infect monstre. Tu as encore joué. […] Quel cœur ignoble et ensanglanté tu dois avoir.» (II, 14). - Alors que, pour Scipion, «Tous les hommes ont une douceur dans la vie. Cela les aide à continuer.», pour Caligula, cette douceur est «le mépris» (II, 14). - À l’annonce que lui fait Scipion : «Des légions de dieux humains se lèvent, implacables à leur tour, et noient dans le sang ta divinité d’un moment», il dit rêver que «sur tous les visages qui s’avancent alors du fond de la nuit amère, dans leurs traits tordus par la haine et l’angoisse, je reconnais en effet, avec ravissement, le seul dieu que j’aie adoré en ce monde : misérable et lâche comme le cœur humain» (III, 2). - Avec Cherea, qui l’affronte en le jugeant incapable de lui «parler de tout son cœur», il se retourne aussitôt : «Couvrons-nous donc de masques. Utilisons nos mensonges.» (III, 6). - Il se fait dire malade, et les patriciens y étant allé de leurs souhaits de rétablissement, l’un promettant une offrande, un autre sa vie, quand il se présente en parfaite santé, il accepte l’une et l’autre, en envoie donc un «à la mort» et lui assène : «Tu as donné ta vie pour la mienne. […] La vie, mon ami, si tu l’avais assez aimée, tu ne l’aurais jouée avec tant d’imprudence.» (IV, 9). - Il fait annoncer sa propre mort pour piéger Cherea ; mais cela échoue, et il reconnaît : «Eh bien ! c’est raté.» (IV, 10). - Il ne se soucie pas de l’annonce du complot par Hélicon (III, 3) par le «vieux patricien» (III, 4) qu’il accuse plutôt de traîtrise à l’égard de ses complices, déclarant : «J’ai tant détesté la lâcheté que je pourrais jamais me retenir de faire mourir un traître.» (III, 4). - Mais son imprévisibilité lui permet aussi, à l’égard de Cherea, qui est convaincu de complot, de manifester, à la façon d’Auguste avec Cinna, sa clémence d’empereur (III, 6). Et on apprend plus loin qu’il «a donné quatre-vint-un mille sesterces à un esclave voleur que la torture n’avait pas fait avouer.» (IV, 4). Cette tension des contraires fait I'unité profonde du personnage. Mais, de scène en scène, il devient la caricature de lui-même : de la grande pureté du jour où il vit le cadavre de Drusilla peu à peu rien ne reste. N’est-il pas d’autant plus monstrueux que, lucide et diablement intelligent, son excès d’intelligence lui faisant refuser «la bêtise» qui «est meurtrière lorsqu’elle se juge offensée : ceux que j’ai moqués et ridiculisés, je suis sans défense contre leur vanité.» (IV, 13), lui faisant exciter la haine car il s’est rendu compte qu’«il n’y a que la haine pour rendre les gens intelligents» (II, 14), il se veut logique : «J’ai décidé d’être logique et puisque j’ai le pouvoir, vous allez voir ce que la logique va vous coûter.» (I, 8). Il se dit à lui-même : «Tu avais décidé d’être logique […] Il faut poursuivre la logique. Le pouvoir jusqu’au bout, l’abandon jusqu’au bout […] il faut aller jusqu’à la consommation.» (III, 5), «rester logique jusqu’à la fin» (I, 4). Il constate que «la sécurité et la logique ne vont pas ensemble», que l'intelligence doit accepter de payer le prix de cette vérité ou se nier. Mais il pousse à bout la logique du pouvoir, une «logique implacable» (IV, 13) dans laquelle il s'enferme, qui l’isole de plus en plus, le prend dans un vertige de non-sens, une logique désespérée qui lui interdit le sommeil et l’abandon, et au feu de laquelle toutes les idées se valent et toutes les vies s’équivalent, tous ceux qui y entrent en mourant. Il devient totalitaire par amour de la logique. D’ailleurs, une didascalie ne le définit-il pas plus loin comme «mathématique» quand il coince un des patriciens, Lepidus, dans «une alternative dont tu ne sortiras pas», lui faisant admirer sa «logique» (II, 10)? Dans son «traité de l’exécution», il déroule une sorte de syllogisme : «On meurt parce qu'on est coupable. On est coupable parce qu'on est sujet de Caligula. Or tout le monde est sujet de Caligula. Donc tout le monde est coupable. D’où il ressort que tout le monde meurt.» (II, 9). Ayant constaté : «Ce monde est sans importance et qui le reconnaît conquiert sa liberté.» (I, 10), ce qui résume la pièce. Le monde étant sans importance, il se détache de la nature qu’il a aimée, regrette que «la force de sa passion pour la vie ne se satisfera pas de la nature» (II, 14). Semblablement, il a aimé des femmes mais en est désormais incapable, ne peut même supporter d'être aimé, rabroue Caesonia ; d’abord quand elle s’écrie : «Tu ne pourras pas nier l’amour», et qu’il lui répond «avec une voix pleine de rage : L’amour, Caesonia ! (Il l’a prise aux épaules et la secoue) J’ai appris que ce n’était rien.» (I, 11). La liberté étant conquise, il proclame avec orgueil que «dans tout l’Empire romain, seul Caligula est libre au milieu d’un peuple d’esclaves» (I, 10). Et, à la fin, il dira encore à Caesonia : «Cela fait déjà quelques années que je m’exerce à vivre librement. […] en poursuivant l’essentiel.» (IV, 13). Comme il dispose du pouvoir dit absolu, il peut affirmer : «Aujourd'hui et pour tout le temps qui va venir, ma liberté n'a plus de frontières». Pour donner libre cours à sa liberté, il voudrait même influer sur le cours de la nature : «De quoi me sert ce pouvoir si étonnant si je ne puis changer l’ordre des choses, si je ne puis faire que le soleil se couche à l’est, que la souffrance décroisse et que les êtres ne meurent plus? […] Je veux mêler le ciel à la mer, confondre laideur et beauté, faire jaillir le rire de la souffrance. […] Je ferai à ce siècle le don de l’égalité. Et lorsque tout sera aplani, l’impossible enfin sur terre, la lune dans mes mains, alors, peut-être, moi-même je serai transformé et le monde avec moi, alors enfin les hommes ne mourront pas et ils seront heureux.» (I, 11). C’est un programme d’un idéalisme délirant, une ambition prométhéenne, une utopie à la fois enfantine et humanitaire. Comme il doit bien vite admettre qu’'il n'a pas d'action sur l’ordre du monde, qu’il n'arrive pas à le changer, il retoume contre lui la violence que celui-ci lui inflige, et l'exerce tout au moins sur ses congénères qui, eux, ne demandent la lune que par plaisanterie et ne savent que se résigner et en rire, qu’il hait parce qu’ils ne sont pas libres (I, 10), qui «sont privés de la connaissance», à qui «manque un professeur qui sache ce dont il parle» (I, 4), qui les fasse «vivre dans la vérité» alors que «la vérité de ce monde est de n’en pas avoir» (III, 1). Il va donc leur appliquer sa «pédagogie» (I, 9) pour les provoquer, critiquer leur soumission, les appeler à la révolte. Ce frère de Sisyphe finit par faire rouler sur les autres son rocher. Ivre de cette liberté qui peut être totale pour un empereur, qu’il peut vivre à fond, il la met au service d'une soif absolue de puissance, prouve sa liberté aux dépens des autres, passe de la constatation de l’absurdité au nihilisme militant et meurtrier. Il avait prévenu : «Allez annoncer à Rome que la liberté lui est enfin rendue et qu'avec elle commence une grande épreuve.» (I, 10) «Grande épreuve» en effet, car, étant capable d'anesthésier son cœur («Après une exécution, il bâille et dit avec sérieux : ‘’Ce que j’admire le plus, c’est mon insensibilité.’’» [IV, 4]), il devient, par dépit ou par caprice, «le plus insensé des tyrans» (II, 2), un despote arrogant, un monstre épouvantable de cynisme, d’agressivité (son «bond sauvage» qu’indique une didascalie [II, 11]) et de cruauté, qui exerce sa violence, sa force de destruction, qui décide, puisque rien n'a de sens, de remettre en question l'ordre établi, de le retourner et même de l’anéantir, de s'affranchir des règles, de les briser, de nier le bien et le mal. Montrant beaucoup de désinvolture, se complaisant dans la vulgarité, il se tient mal à table ; il soigne ses pieds et se peint les ongles des orteils en conversant avec Scipion (III, 2), avec Hélicon (III, 3), et, alors qu’il s’est livré à une effusion émue à propos de la lune, la rompt par : «Décidément, ce vernis ne vaut rien.» (III, 3). Faisant fi de toute morale, considérant que les actions «sont toutes équivalentes.» (III, 6), il annonce même : «Je volerai franchement». Plein de mépris pour la médiocrité, il prétend que «honnêteté, respectabilité, qu’en-dira-t-on, sagesse des nations, rien ne veut plus rien dire. Tout disparaît devant la peur […] ce beau sentiment sans alliage, pur et désintéressé, un des rares qui tire sa noblesse du ventre» (II, 5). Il devient un juge sévère des mœurs politiques, mais se joue aussi de ses fonctions, tourne en dérision la notion même du pouvoir, et en célèbre en même temps la puissance jouissive. Ainsi, se moquant de l’intérêt pour le «Trésor public» (I, 7), il décide de «bouleverser l’économie politique en deux temps» (I, 7), décrète que, pour enrichir le Trésor, les patriciens fortunés devront «déshériter leurs enfants et tester sur l’heure en faveur de l'État» (I, 8), puis être aussitôt supprimés «dans l'ordre d’une liste établie arbitrairement» (I, 8), car si le Trésor a de I'importance, la vie humaine n’en a pas. Voulant toujours «prouver» qu’il est «libre» (II, 9), déclarant aux patriciens : «Je vous hais parce que vous n’êtes pas libres», méprisant ces vieillards qui lui montrent ce qu’il deviendra s’il ne meurt pas jeune, l’altruiste d’antan se révèle terriblement égoïste, «empoisonné de mépris et d'horreur» comme le définit Camus dans la présentation de sa pièce pour l'édition américaine. Appliquant son «traité de l’exécution» (II, 9) où il affirme : «L’exécution soulage et délivre», il impose une raide cruauté, décrète la famine et choisit le moment où il arrêtera le fléau, fait exécuter de la façon la plus arbitraire des patriciens pétris de veulerie et de sottise en leur déclarant : «Vous avez fini par comprendre qu’il n’est pas nécessaire d’avoir fait quelque chose pour mourir.» (II, 5), assassine même sous nos yeux le vieux Mereia coupable d'avoir absorbé un remède contre I'asthme, ce qui nous fait rire, car nous sommes d'accord, nous admettons avec lui qu'«il n’y a pas de grande passion sans cruauté» (II, 6). Et, comble d’égocentrisme, par ce déchaînement, il lutterait contre sa solitude : «Quand je ne tue pas, je me sens seul» ! Mais il reste que l’exercice de sa tyrannie est une maïeutique permanente ; elle a valeur de révélateur et de provocation permanente pour ceux qui l’entourent : il «force tout le monde à penser», reconnaît Cherea ; il lève les masques, dénonce les facilités de la bonne conscience, contraint ses victimes à s'avouer leur lâcheté, leur absence d'idéal. En affirmant ainsi sa puissance et sa liberté, en épuisant «tout ce qui peut le faire vivre», il espère du même coup révéler à ses victimes I'absurdité du monde pour les rendre libres en tuant les préjugés qui les tenaient esclaves. Il reste qu’il est bien un tyran, et que c’est avec beaucoup de mauvaise foi qu’il affirme : «Plus j’y réfléchis, plus je me persuade que je ne suis pas un tyran», qu’il donne cette définition : «Un tyran est un homme qui sacrifie des peuples à ses idées ou à son ambition», qu’il dit n’exercer son pouvoir que «par compensation […] à la bêtise et à la haine des dieux», respecter la vie humaine plus qu’il ne respecte «un idéal de conquête», se refuser à faire la guerre car «la moindre guerre entreprise par un tyran raisonnable vous coûterait mille fois plus cher que les caprices de mes fantaisies.», évaluer : «Mon règne jusqu’ici a été trop heureux. Ni peste universelle, ni religion cruelle pas même un coup d’État.» tout en reconnaissant : «C’est moi qui remplace la peste.» (IV, 9). Scipion lui répondant que, même si ses mobiles relèvent de la philosophie, il cause les mêmes dommages qu’un vulgaire tyran (III, 2), son refus du bellicisme ne l’empêchant pas de se livrer au crime, il concède que sa liberté s’exerce aux dépens des autres. Il a une grande certitude : ses sujets sont tous «aussi coupables les uns que les autres» (I, 8), car ils sont lâches et tiennent trop à leur femme, à leurs enfants, à leurs biens et à la vie. «Juges, témoins, accusés, tous condamnés d’avance !» (I, 11). Et, si, à la fin, il reconnaît : «Toi aussi, tu es coupable», il ajoute : «Mais qui oserait me condamner dans ce monde sans juge, où personne n’est innocent.» (IV, 14). A-t-il fait de l'assassinat un des beaux-arts celui, qui, pour Cherea, était un «empereur artiste», qui se dit «le seul artiste que Rome ait connu, le seul […] qui mette en accord sa pensée et ses actes», ajoutant : «Je n’ai pas besoin d’une œuvre : je vis» (IV, 12)? Il montre sa sensibilité de poète en s’exaltant avec Scipion dans une évocation de la nature, avant que son ami se rende compte que ce ne fut pour lui qu’un jeu. Il est vraiment ému par son poème sur la mort où il aurait montré sa connaissance des «vraies leçons de la mort». Surtout, il a le goût de «l’art dramatique» (III, 2). Or, du fait de sa position d’empereur, il se trouve en permanence sur une scène, la scène politique dont il est le centre, et jouit de toute une théâtralité. Mais il organise aussi des spectacles : - le «procès», qui est «une fête sans mesure», «le plus beau des spectacles» (I, 11) ; - le banquet où «il se tient mal à table» (II, 5) ; - la «sorte de parade foraine» où cet acteur à l’expressivité passionnée, ce véritable cabotin, ce metteur en scène invétéré, est grotesquement déguisé en Vénus, oblige les patriciens à réciter une prière, à se prosterner et à lui donner une obole (III, 1) ; - l’apparition fugitive «en robe courte de danseuse» (IV, 4) où il pense avoir permis aux patriciens de «communiquer avec lui dans une émotion artistique» (IV, 5) ; - le concours entre poètes qui sont sévèrement interrompus par son sifflet (IV, 12). Et ne met-il pas en scène jusqu'à sa mort, puisque, prévenu du complot qui se trame contre lui, il ne s'y oppose pas? S’il s’amuse à caricaturer de façon blasphématoire Vénus, c’est cependant parce que, ayant constaté, avec une frustration amère, l’infirmité humaine, il en vient à revendiquer le pouvoir qu’il n’a pas, le pouvoir divin, à se venger de la divinité. Selon lui, Vénus propose «un amour indifférent et douloureux», des «passions sans objet», des «douleurs privées de raison» et des «joies sans avenir». Il vitupère les dieux qui exercent un «métier ridicule», dont il a «pris le visage bête et incompréhensible», et dont il pense que, pour s’égaler à eux, «il suffit d’être aussi cruel qu’eux», ce qui lui permet de faire «encore un petit progrès sur la voie de la puissance et de la liberté» (III, 2). Il se moque aussi du destin : «On ne comprend pas le destin et c’est pourquoi je me suis fait destin». Plus tard, il pourra encore mépriser quelque peu Caesonia, qui pense qu’il pourrait être sauvé de ses ennemis par «quelque chose, venu du ciel», en lui assénant : «Il n’y a pas de ciel, pauvre femme» (IV, 13). Caligula s’exalte donc longtemps de son entreprise de destruction, continue à donner ses ordres fous afin de voir jusqu’où il pourra aller. Mais la «logique implacable» (IV, 13) dans laquelle il s'est enfermé ne masque qu'imparfaitement les contradictions qu'il tente de fuir. La liberté excessive se détruit elle-même, message qui n’est pas formulé par l’entourage du protagoniste : il sourd de sa propre prise de conscience dans ses monologues introspectifs (III, 5 ; IV, 14). Il comprend que, poussé à bout, l'accord entre la pensée et les actes procède d'une logique de la destruction dont il sera la victime autant que le créateur. Il se rend compte qu’il évolue dans le dégoût généralisé, qu’il «exerce le pouvoir délirant du destructeur» (IV, 13), qu’il cultive la cruauté par impossibilité de vivre la tendresse. Il conserve au milieu de sa démence la nostalgie d'un bonheur impossible Si, pensant aux patriciens, il peut dire : «J’ai la bêtise contre moi», il doit reconnaître, en pensant à Scipion et à Cherea : «J’ai aussi la loyauté et le courage de ceux qui veulent être heureux.» (IV, 13). En fait, écorché qui se nourrit du mal pour oublier son propre désespoir, il est bourreau de lui-même autant que des autres, il se voue à une souffrance dont parlent Hélicon et Caesonia, selon laquelle il «dort deux heures toutes les nuits et le reste du temps, incapable de reposer, il erre dans les galeries de son palais.» (IV, 11). À la fois violent et souffrant, il fait le vide autour de lui et s'installe au milieu d'un désert psychologique d'où la mort seule pourra le tirer. Le fléchissement du monstre sanguinaire est net dans les deux dernières scènes où, à la fois désespéré et lucide, il gagne en humanité, se voyant à présent défendu, comme un être faible et acculé, par son ami, Scipion, qui partage depuis peu sa lucidité sans pouvoir totalement y répondre, par son esclave, Hélicon, et par sa «vieille maîtresse», Caesonia. À la scène 13, pendant un instant, il confie à Scipion sa soif déçue de bonheur et de tendresse, mais les refuse encore pour lui, déclarant : «Il est deux sortes de bonheurs et j’ai choisi celui des meurtriers […] un bonheur stérile et magnifique.» Si Scipion a été son ami, il le congédie en déclarant : «J’en ai fini avec l’amitié». Il se cantonne toujours dans la jouissance de sa liberté : «Aujourd’hui, me voilà encore plus libre qu’il y a des années, libéré que je suis du souvenir et de l’illusion.» Il se targue du fait que, sans ce que Caesonia appelle «cette liberté épouvantable», il eût été «un homme satisfait», tandis que «grâce à elle», il a «conquis la divine clairvoyance du solitaire». Mais il doit avouer son désenchantement : «Je sais que rien ne dure. Nous sommes deux ou trois dans l’histoire à en avoir fait l’expérience, accompli ce bonheur dément». Devant la tendre fidélité de Caesonia, il s’étonne : «Mais pourquoi tant d’amour, tout d’un coup, ce n’est pas dans nos conventions.» (n’est-il pas étonnant qu’il invoque, dans ce cas, les conventions?). Il affirme : «L’amour ne m’est pas suffisant […] Aimer un être, c’est accepter de vieillir avec lui. Je ne suis pas capable de cet amour» ; il n’aurait pu supporter «Drusilla vieille» ; il nie même l’amour qu’il eut pour elle : «Je n’avais même pas d’excuses, pas même l’ombre d’un amour, ni l’amertume de la mélancolie. Je suis sans alibi.». Après s’être laissé attendrir («Il la prend dans ses bras») et avoir avoué : «Je ne peux me défendre d’une sorte de tendresse honteuse pour la vieille femme que tu vas être», «le seul sentiment pur que ma vie m’ait jusqu’ici donné». Pourtant, «il l’étrangle en disant : Non, pas de tendresse. Il faut en finir, chère Caesonia !» Il la tue parce qu'elle l'aime, «pour parfaire enfin la solitude éternelle que je désire», car il a déjà auparavant prétendu que «seul, on ne l’est jamais […] partout le même poids d’avenir et de passé nous accompagne. […] Ah ! si du moins, au lieu de cette solitude empoisonnée de présences qui est la mienne, je pouvais goûter la vraie, le silence et le tremblement d’un arbre ! […] Ma solitude entière s’emplit de l’aigre odeur du plaisir aux aisselles de la femme qui sombre encore à mes côtés.» (II, 14). Il la décrète «coupable» elle aussi, mais reconnaît : «Tuer n'est pas la solution.» (IV, 13). À la scène 14, il se retrouve face à son miroir qui, élément du décor dans lequel Camus résuma l'essentiel de son propos, imposa sa présence depuis la didascalie qui constitue la scène muette qu’est I, 3. C’est son compagnon le plus fidèle, auquel il revient continuellement, tel un Narcisse aveugle aux âmes qui I'entourent. Dans une scène où, selon les didascalies, il est «insensé», où il prend «une attitude démente», alors que sont présents les patriciens et Caesonia, à coups de maillet, il y «efface frénétiquement une image» pour n’y laisser que lui (I, 11). À un autre moment, on le voit y converser avec lui-même (III, 5). À la fin de la pièce, pour être dans l’intimité avec Caesonia, il «fait tourner le miroir sur lui-même», avouant alors et affrontant sa solitude («Quand je ne tue pas, je me sens seul»), cessant de jouer la comédie, pour, rompant justement l’illusion théâtrale, s’adresser au public qui représente ses morts avec lesquels il a de «longs dialogues» (IV, 13). Il y revient donc cependant à la dernière scène pour se livrer à une confession où il le prend encore pour interlocuteur : «Toi aussi, tu es coupable […] Mais qui oserait me condamner dans ce monde sans juge, où personne n’est innocent !», où il reconnaît : «J’ai peur. Quel dégoût, après avoir méprisé les autres, de se sentir la même lâcheté dans l’âme. Mais cela ne fait rien. La peur non plus ne dure pas. Je vais retrouver ce grand vide où le cœur s’apaise.», où il se rebelle contre lui : «Je tends mes mains et c’est toi que je rencontre, toujours toi en face de moi, et je suis pour toi plein de haine.» Il le brise donc en y lançant «son siège à toute volée en hurlant» (IV, 14). Le complot fomenté contre lui depuis déjà longtemps, dont on l’a averti sans qu’il s’en soucie, qui lui permit de se montrer magnanime à l’égard de Cherea, ne l’a-t-il pas laissé subsister pour en faire l’aboutissement de son plan? Fidèle à sa logique, il fait ce qu'il faut pour armer contre lui ceux qui finiront par le tuer. Il cherche la mort comme conséquence logique de ses actes, va délibérément vers elle, la provoque sciemment : c’est un suicide intelligent. Ainsi, la liberté excessive se détruit elle-même, message qui n’est pas formulé par l’entourage du protagoniste : il sourd de sa propre prise de conscience dans ses monologues introspectifs (III, 5 ; IV, 14). Il exprime encore la plainte d'un enfant qui, privé de ses illusions, refuse de devenir un homme : «Tout a I'air si compliqué. Tout est si simple pourtant. Si j'avais eu la lune, si I'amour suffisait, tout serait changé. Mais où étancher cette soif? Quel coeur, quel dieu auraient pour moi la profondeur d'un lac? (s’agenouillant en pleurant). Rien dans ce monde, ni dans I'autre, qui soit à ma mesure. Je sais pourtant, et tu sais aussi (il tend la main vers le miroir en pleurant), qu’il suffirait que l’impossible soit. […] Je n’ai pas choisi la voie qu’il fallait, je n’aboutis à rien. Ma liberté n'est pas la bonne.» (IV, 14). Il reconnaît donc que la poursuite de sa logique, que son exercice dictatorial du pouvoir en agissant contre les autres êtres comme si rien n’était n'était interdit, ont mené à une impasse totale. Il prend conscience de son échec, se rend compte qu'il a fait fausse route. Il ne lui reste plus rien à apprendre que la mort enfin vécue, «ce grand vide où le cœur s’apaise.» (IV, 14). Entendant «des bruits d’armes», il s’offre aux coups en criant : «Je suis encore vivant», cri où on peut entendre un défi orgueilleux de l'histrion nihiliste, ou un regret du suicidaire pathétique de n’accéder pas encore à la délivrance. Caligula est donc un personnage riche, complexe, démesuré, mi-ange mi-démon qui joue tous les registres d’émotion, de la joie nietzschéenne de I'exaltation dionysiaque à une douleur qui, au-delà du cynisme affiché, est très palpable ; de la folie enfantine à la terrible intelligence, qui ne s’annulent pas l’une l’autre mais se combinent pour s’investir d’une portée philosophique ; de la violence effrénée à la faiblesse pathétique, se couvrant de meurtres et de débauche pour oublier sa douleur de vivre ; incarnant plusieurs facettes de la nature humaine, gardant un mystère nourri de ses contradictions, suscitant autant de répulsion que de fascination. Camus l’a rendu attachant, presque sympathique, et on peut facilement s'identifier à lui. Ce n'est pas par scrupule historique que l’auteur s'attacha à mettre en scène les caractères les plus marquants du personnage dont les écrivains romains nous ont laissé le portrait : son despotisme, sa folie sanguinaire, son cynisme et son histrionisme cruel. Caligula fut d'abord pour lui I'une des figures exemplaires de I'humanité ; il I'interrogea comme il interrogea Don Juan ou Prométhée, désireux de saisir, derrière ses multiples images, le drame d'une existence qu'il tenta d'élever à I'universel. C'est un rôle difficile car Caligula est un peu Hamlet au début, puis un peu Richard III, un peu Don Juan, un peu Lorenzaccio et un peu lvan Karamazov,. C’est un des rôles les plus démentiels, les plus sulfureux, de la dramaturgie française contemporaine. Intérêt philosophique ‘’Caligula’’ est bien autre chose qu'un drame sanguinaire, qu’un «remake» des anciennes tragédies. Cette pièce, dense et complexe, était plutôt un reflet de l’essai de Camus ‘’Le mythe de Sisyphe’’, qui présentait la plupart des grands thèmes de l'oeuvre du philosophe qu’il s’était déjà révélé. Mais elle n’est pas pour autant didactique, car la pensée, si elle est très forte, est toujours incarnée. Cette histoire d’un empereur qui bouscule son empire inspire d’abord une réflexion politique. Cette histoire d’un tyran auquel nous pouvons nous identifier inspire ensuite une réflexion morale. Cette histoire d’un être mis brutalement face à sa finitude conduit enfin à une véritable réflexion philosophique. La réflexion politique : La dignité impériale ayant été confiée au petit-fils de Tibère est ainsi montrée l’ineptie du pouvoir héréditaire. Sont moqués la classe dirigeante les représentants de l’ordre établi, les serviteurs de l'État, les fonctionnaires tâtillons, dont la soumission, la longue hésitation avant de réagir, indique bien que la tyrannie ne s'installe pas sans l'assentiment lâche des gens. Le pouvoir est radicalement disqualifié, percé à jour. La déclaration de Caligula : «Gouverner, c'est voler, […] moi je volerai franchement !» (I, 8) fait apparaître clairement la vulgaire vénalité de la plupart de ceux qui l’exercent. Ses autres déclarations révèlent la puissance meurtrière du langage quand les actes correspondent exactement aux mots prononcés. Le tableau de I'arrogance et du jusqu'au-boutisme de ce potentat est une dénonciation d’abord de la bonne vieille et cruelle tyrannie mais aussi du totalitarisme contemporain que Camus vit avec une lucidité précoce. La pièce, qu’il a maintes fois remaniée pendant l'Occupation allemande de la France, fut désormais imprégnée de l'atmosphère de la Deuxième Guerre qui avait vu Hitler pousser sa folie jusqu'au bout, qui avait montré qu'un monde, où le pouvoir est une fin en soi, obéit à un mécanisme fondamentalement vicié. Il ne faut cependant pas, comme l’ont fait hâtivement certains critiques, comparer l’empereur à Hitler : même s’il mène une croisade furieuse et sanglante, il n'a rien d'un tueur obtus soumis à une idée fixe aussi banale que le racisme. Par contre, on peut voir dans la pièce un appel à la résistance au totalitarisme que représente Cherea. Camus a pu, à travers cette figure du pouvoir arbitraire qu’est Caligula, réaliser cet objectif qu’il allait définir dans son ‘’Discours de Stockholm’’ : «Je suis d'avis que nous devons comprendre, sans cesser de lutter contre eux, l’erreur de ceux qui par une surenchère de désespoir ont revendiqué le droit au déshonneur, et se sont rués dans le nihilisme de l'époque.» En stigmatisant le pouvoir absolu, celui d’un homme qui se sert du pouvoir «sans limite, jusqu’à nier l’homme et le monde.» (II, 2), en signalant le rapport secret entre pouvoir absolu et plaisir absolu, la pièce illustre la fameuse formule de lord Acton : «Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument». Dans l’annonce que fait Scipion à Caligula : «Des légions de dieux humains se lèvent, implacables à leur tour, et noient dans le sang ta divinité d’un moment» (III, 2) ne peut-on pas voir, au-delà du seul complot qui menace le tyran, la révolution, celle de 1789 en particulier, par laquelle seraient balayés et les dieux et les rois? Cette oeuvre grinçante sur la tyrannie cynique d’un homme de pouvoir et sur la lâcheté de ses sujets apparaît visionnaire, tout à fait d’actualité, en une période d’agitation meurtrière comme la nôtre où les images des dictateurs contemporains ont effacé celles des excès des empereurs romains. La réflexion morale : À travers ce Caligula en quête de lui-même, qui présente de multiples facettes de la nature humaine, qui fait preuve d’une ambivalence qui est aussi la nôtre parce que, d'une part, nous l’envions pour la liberté qu’il revendique, et que, d’autre part, il nous répugne par l’exercice qu’il en fait, Camus ne voulut-il pas montrer que chacun de nous, en qui sont présents l'enfant que nous avons été et l'adulte que nous serons, l'égoïste et l'altruiste, le respectueux et le tyran, le bien et le mal, porte en son cœur un tel monstre (comme il porte aussi un Achille, un Ulysse, un Don Juan, un Roméo, un Sade, un Robespierre, un François d'Assise, une Jeanne d’Arc…). Nous aurions tous en nous le même goût du mal, la même passion destructrice, la même possibilité de terroriser les autres, d’exercer sur eux la tyrannie. Dans ses ‘’Carnets’’, Camus révéla un projet d'épilogue qui nous éclaire sur la portée qu’il voulait donner à son œuvre : «Non, Caligula n'est pas mort. Il est là, et là. ll est en chacun de vous. Si le pouvoir vous était donné, si vous aviez du coeur, si vous aimiez la vie, vous le verriez se déchaîner, ce monstre ou cet ange que vous portez en vous. Notre monde se meurt d'avoir cru aux valeurs et que les choses pouvaient être belles et cesser d'être absurdes. Adieu, je rentre dans l'histoire où me tiennent enfermé depuis si longtemps ceux qui craignent de trop aimer.» Cependant, ce que, dans la présentation de sa pièce pour l'édition américaine, Camus définit comme «la perversion systématique de toutes les valeurs» qui le fait «niveler tout autour de lui par la force de son refus et par la rage de destruction où l'entraîne sa passion de vivre.» est utile. On comprend qu’il s’en prenne à ces représentants du conformisme que sont les patriciens et autres sénateurs, chez qui est fustigée aussi la peur, la lâcheté, la conspiration du silence, l’attachement aux biens et à la vie, qui permettent à Caligula d’exercer sa tyrannie, et qui sont en chacun de nous aussi. On lui a donné un empire, il détient le pouvoir absolu, il a la possibilité d'aller jusqu'au bout de sa révolte (qui est une façon de s'arracher à I'indifférence pour trouver l'énergie de se battre et de vivre), jusqu'à I'absolu du désespoir : il exige du monde une réponse aussi forte que la douleur qu'il vient de lui infliger. Bien sûr, au bout du chemin, il n'y a que la mort et la solitude, car I'erreur de Caligula, que Camus définit comme «un homme qui par fidélité à soi-même est infidèle à l’homme. Il récuse toutes les valeurs. Mais si sa vérité est de nier les dieux, son erreur est de nier les hommes. Il n’a pas compris qu’on ne peut tout détruire sans se détruire soi-même. C’est l’histoire de la plus humaine et de la plus tragique des erreurs.» On ne peut tout détruire, en pensant que les êtres humains ne seront délivrés de leur horrible soumission qu’une fois morts, sans se détruire soi-même. Caligula est infidèle à l'humain pour cause d'excessive fidélité à soi. Parmi les patriciens se trouve pourtant Cherea, personnage d’une grande lucidité, qui, comprend l’attitude de Caligula mais n’y adhère pas, qui présente le véritable contrepoint de son nihilisme, qui, face à sa démesure, est l'homme de la mesure, qui montre justement que le secret de la durée de la vie est dans la mesure, qui estime dangereux de bouleverser toutes les valeurs. Écoutons-le encore : «Ce n’est pas la première fois que, chez nous, un homme dispose d’un pouvoir sans limites, mais c’est la première fois qu’il s’en sert sans limites, jusqu’à nier l'homme et le monde. Voilà ce qui m'effraie en lui et que je veux combattre. Perdre la vie est peu de choses et j’aurai ce courage quand il le faudra. Mais voir se dissiper le sens de cette vie, disparaître notre raison d’exister, voilà ce qui est insupportable. On ne peut pas vivre sans raison.» (II, 2) - il veut «retrouver la paix dans un monde à nouveau cohérent. Ce n’est pas l’ambition qui me fait agir, mais une peur raisonnable, la peur de ce lyrisme inhumain auprès de quoi ma vie n’est rien.» (II, 2) - il reconnaît : «J’ai le goût et le besoin de la sécurité […] J'ai envie de vivre et d'être heureux. Je crois qu'on ne peut être ni l'un ni l'autre en poussant l'absurde dans toutes ses conséquences. Je suis comme tout le monde. Pour m'en sentir libéré, je souhaite parfois la mort de ceux que j'aime, je convoite des femmes que les lois de la famille ou de l'amitié m'interdisent de convoiter. Pour être logique, je devrais alors tuer ou posséder. Mais je juge que ces idées vagues n'ont pas d'importance. Si tout le monde se permettait de les réaliser, nous ne pourrions ni vivre ni être heureux. Encore une fois, c'est cela qui m'importe.» (III, 6). Oui, tout cela est sain, est d’une bonne hygiène sociale, et Cherea le transcende en donnant à Caligula, qui lui demande s'il croit en une idée supérieure, cette réplique qui met tout le monde de son côté : «Je crois qu'il y a des actions qui sont plus belles que d'autres.» (III, 6), ce qui est l’expression d’une morale. On peut voir en lui le porte-parole de Camus. Mais Scipion, malgré sa sympathie pour le tyran, fait preuve lui aussi de sagesse quand il affirme : «Je puis nier une chose sans me croire obligé de la salir ou de retirer aux autres le droit d’y croire. […] La haine ne compense pas la haine. Le pouvoir n’est pas une solution. Et je ne connais qu’une façon de balancer l’hostilité du monde […] la pauvreté.» (III, 2) La pièce est donc une mise en garde contre le fol exercice de sa liberté par l’empereur fou qui ne tient pas compte du fait qu'on ne peut se sauver seul et qu'on ne peut être libre contre les autres, qu’il méprise d’ailleurs sans savoir ce qu'ils sont ; qu’on ne peut agir contre les autres comme si rien n’était interdit ; qui ne se rend compte qu’à la fin des limites de la liberté. Caligula attaque aussi les Églises, dont la vénalité est stigmatisée par ce coup de griffe donné au passage : «Adorer, c’est bien, mais enrichir, c’est mieux» (III, 1). Surtout, il conteste les religions, les croyances en des puissances divines ; s’il le fait d’une façon grotesque, cela ne doit pourtant pas voiler l’athéisme de Camus qui refusait la justification de la présence du mal par la volonté divine que donnent les religions, qui est même la base sur laquelle elles sont fondées, d’où l’invention du péché originel par les chrétiens, qui conduisit Dostoïevski à cette phrase excessive mais mémorable : «Nous sommes tous coupables, de tout et devant tous», idée par laquelle Caligula justifie ses condamnations et ses exécutions, mais qui pose de nouveau la question de la liberté, car quelle liberté nous reste-t-il si nous sommes condamnés dès le départ? La réflexion vraiment philosophique : ‘’Caligula’’ est une pièce où est posée la question fondamentale du sens à donner à une existence qui est imposée à l’être humain et qu’il doit subir jusqu’à la mort. On peut concevoir cette existence comme une étape vers un au-delà. Mais Caligula ne croit pas à un au-delà, à un dieu, sa moquerie à l’égard de Vénus n’étant pas qu’un gag mais l’affirmation du refus de toute transcendance. Camus, qui a, entre autres condamnations, écrit : «Comment pourrais-je chanter les louanges de l'Auteur d'une création dans laquelle tant d'enfants innocents sont immolés?», était athée, participait de cet athéisme contemporain qui constate que Dieu n'est pas possible dans un monde si mal en point, devant le scandale de la souffrance, de la maladie et de la mort, des guerres et des cataclysmes naturels. Il dénonça dans sa pièce, comme dans toute son œuvre, l’absurdité de la condition humaine, l’être humain étant, selon la formule de Malraux «cet animal qui sait qu’il doit mourir», à qui une vie, qu’il n’a point demandée, est imposée puis enlevée en dépit de l’attachement qu’il a pu lui porter. Le dramaturge choisit, pour rendre sa démonstration plus saisissante, un homme qui, étant au sommet de l’humanité, ayant tous les pouvoirs, pouvant satisfaire ses moindres folies, ne pouvant s’identifier aux autres, à qui manque cette passion de vivre qu'il porte en lui comme la souffrance d'un désir hors d'atteinte, était le mieux placé pour prendre conscience des limites ontologiques de l’être humain. Dans un monde sans dieux, voué à la souffrance et la mort, Caligula vit jusqu'à la démesure la passion désespérée d'une existence qui se sait absurde, et doit choisir entre le désespoir et la révolte. Ce qui lui importe, ce n’est pas la mort de Drusilla, mais la mort tout court. À sa révolte face à I'absurdité d'une vie privée de sens répond la volonté d'une substitution : la seule vérité étant celle de l'absurdité de l’existence et de I'arbitraire, il est donc libre d'exercer le «métier ridicule» des dieux en se faisant à la fois I'auteur et le protagoniste de la tragédie terrestre. Sa quête absolue de liberté devant l’absurdité de la vie suscite une révolte plus puissante que celle qui la motivait. Et vient le moment où, même dans l’absolu, il a tort. Mais demeure son exigence de lucidité devant I'absurde et la mort qui fait que cette œuvre subversive est un appel à garder les yeux ouverts. ‘’Caligula’’ est la pièce de Camus qui met le mieux en évidence la philosophie de l'absurde, qui illustre parfaitement l’absurde et ses limites. Elle ne prend tout son sens que dans l'évolution de sa pensée : il était fasciné par le nihilisme qui est l'absurde de l’absurde. On lui avait donné un plateau de théâtre comme à Caligula un empire, et il y fit une expérience qu'il n'endossait pas. Ce fut un champ d'observation pour le théoricien du ‘’Mythe de Sisyphe’’. Il laissa la logique absurde filer tout droit, observa le point d'aboutissement qui est le crime ou la folie puis chercha le défaut, la fêlure. La pièce, plus hardie que “Le mythe de Sisyphe”, décrit ainsi les conséquences ruineuses de la découverte de l'absurdité de la condition humaine, l'homme absurde exécutant son programme. Caligula consent à mourir après avoir compris qu’il fallait lutter contre l’absurde et non le fomenter. Cherea, qui est pénétré de la vérité que Caligula a découverte (et dont il s’est approché plus ou moins dangereusement lui aussi), celle de l’absurdité du monde, a choisi d'y vivre et, pour cela, de lui accorder un sens, une cohérence, sans que lle devoir de résistance à l’horreur soit commandé par une volonté supérieure, sans donner à sa morale une justification métaphysique, faisant de la rédemption une affaire strictement humaine et non pas divine, affirmant une confiance raisonnée dans notre capacité à introduire dans le monde plus de bonheur et plus de justice, proposait déjà cet humanisme laïque et positif que Camus allait promouvoir en particulier dans ‘’La peste’’. ‘’Caligula’’ correspond donc à une interrogation philosophique sincère. Aujourd’hui, on peut en sourire ou s’en émouvoir, dans la nostalgie d’une époque qui fut soucieuse de concilier des idées avec une forme théâtrale. Destinée de l’oeuvre La pièce fut créée au Théâtre Hébertot, à Paris. Jacques Hébertot, le directeur du théâtre, ayant suggéré à Camus de rajeunir le rôle de Caligula (qu’il avait imaginé jouer lui-même au temps de I'Équipe à Alger) pour qu'il puisse être tenu par un jeune élève du Conservatoire très prometteur : Gérard Philipe. Camus accepta à cause du côté ténébreux que laissait voir le jeune homme derrière son air angélique. Michel Bouquet tenait le rôle de Scipion. La pièce fut mise en scène par Paul Oettly qui s'imposa sans conteste pour décider du jeu des acteurs et des décors, alors que Camus, qui assistait à toutes les répétitions, intervenait chaque fois que le texte était en cause. La première eut lieu le 26 septembre 1945. L’accueil fut alors mitigé (Simone de Beauvoir, ayant lu la pièce, l'avait trouvée froide), mais la pièce fit de Gérard Philipe une vedette longtemps adulée de la scène parisienne. Les spectateurs virent alors dans la pièce un tableau des événements récents et un appel à la solidarité contre la tyrannie. Certains critiques la perçurent comme existentialiste, courant philosophique auquel Camus se défendit cependant toujours d'appartenir. Il se montra déçu : «Trente articles. La raison des louanges est aussi mauvaise que celles des critiques. À peine une ou deux voix authentiques ou émues.» Mais la pièce devint son seul réel succès à la scène, et ce fut une œuvre à laquelle il tint beaucoup et qu'il remania plusieurs fois. Pour lui, un texte théâtral est quelque chose de vivant, de mouvant, que l'on aménage suivant les acteurs, l'espace scénique, le décor. L'édition de 1947 comporta d'importants ajouts : une scène entière pour souligner, d'après Camus lui-même, le suicide supérieur de Caligula, qui refuse de prendre connaissance des informations que lui apporte le vieux sénateur sur le complot ; des scènes mettant en présence Cherea et Scipion, qui donnent tout leur sens à la résistance de Cherea et à I'attirance qu'exerce Caligula sur Scipion. La pièce n'a pas été beaucoup jouée. Fut-elle jugée trop philosophique? ll est vrai qu’elle pose de sérieux problèmes de mise en scène : elle se déroule dans I'empire romain, et pourtant son écriture, son propos et son style sont très contemporains et très marqués par I'histoire contemporaine. En 1950, elle fut montée par Michel Herbaut. Le 26 mars 1955, Camus en fit lui-même une lecture, au théâtre des Noctambules, soirée impressionnante, car il joua plutôt qu'il ne lut. En 1957, il mit sa pièce en scène au Festival d'Angers, avec les derniers remaniements : pour des raisons de distribution, il abrégea le rôle de Caligula et développa celui d'Hélicon. Cette année-là parut l'édition américaine pour laquelle il présenta ainsi le thème de la pièce : «Caligula, prince relativement aimable jusque-là, s'aperçoit à la mort de Drusilla, sa sœur et sa maîtresse, que "les hommes meurent et ils ne sont pas heureux". Dès lors, obsédé par la quête de l'absolu, empoisonné de mépris et d'horreur, il tente d'exercer, par le meurtre et la perversion systématique de toutes les valeurs, une liberté dont il découvrira pour finir qu'elle n'est pas la bonne. Il récuse l'amitié et l'amour, la simple solidarité humaine, le bien et le mal. Il prend au mot ceux qui l'entourent, il les force à la logique, il nivelle tout autour de lui par la force de son refus et par la rage de destruction où l'entraîne sa passion de vivre.» En 1958, Camus signa aussi, au Nouveau Théâtre de Paris, la mise en scène d’une nouvelle version, qui, édititée cette même année, devint l’édition définitive du fait de sa mort prématurée dans un accident de voiture en 1960. En 1983, la version de 194, traduite en italien, fut jouée à Rome, par le ‘’Teatro di Roma’’, dans une mise en scène de Maurizio Scaparro. En juin 1984, cette même version fut jouée au Festival d'Angers. La même année, elle fut publiée, dans les "Cahiers Albert Camus", par les soins de A. James Arnold. En 1992, à la Comédie-Française, Youssef Chahine (réalisateur, au cinéma, de ‘’Hamlet’’, ‘’Adieu Bonaparte’’, ‘’Alexandrie encore et toujours’’…) donna une mise en scène controversée qui renouvela cette pièce longtemps considérée comme une machine à idées, lui restitua toute son actualité. Pour lui, il ne s'agit pas de théâtre à thèse, mais d'une réflexion sur notre époque : «Pourquoi Caligula devient-il un tyran? Parce que les gens autour de lui ont démissionné. Il ne supporte pas ces gens qui sont comme des cafards. Là où il se trompe, c'est quand il croit qu'en en finissant avec ces cafards les choses changeront. C'est son erreur dramatique, et il la paiera de sa mort. Mais, au départ, Caligula a profondément raison. Voyez le monde d'aujourd'hui. Aurait-on eu la guerre du Golfe si les gouvernements n'avaient pas fabriqué Saddam Hussein? Il y a eu Saddam Hussein parce que tout le monde a démissionné. Alors, qui sont les vrais tyrans? Voilà la question qu'on aurait dû se poser l'année dernière.» En 1993, à Montréal, la pièce fut mise en scène par Brigitte Haentjens, avec Marc Béland, en costumes contemporains, devant une façade gréco-romaine, dans mobilier Louis XIV, ce qui fit que l’œuvre n’avait pas d’âge. En 1993, en Inde, la pièce, traduite en hindi par Sharad Chandra, fut mise en scène par Arvind Gaur au ‘’Asmita theater’’, avec Jaimini Srivastava et Deepak Ochani. Arun Kukreja aussi la produisit avec l’acteur bien connu V.M. Badola. En 2003, David Greig donna une nouvelle traduction en anglais, qui fut mise en scène par Michael Grandage à la ‘’Donmar warehouse’’ de Londres, avec Michael Sheen, obtint un grand succès et remporta plusieurs ‘’Olivier awards’’. En 2008, à Dublin, la même traduction fut mise en scène par Conor Hanratty, au ‘’Project Cube Theater’’. En 2006, au ‘’Théâtre de l'Atelier’’, à Paris, Charles Berling mit en scène la pièce sans vision, sans invention, et joua le rôle, alors qu’il était trop mûr, trop roué. La même année, à Budapest, la pièce a été jouée au ‘’Théâtre Radnóti’’. En 2008, à Tokyo, elle fut mise en scène par Yukio Ninagawa, avec Shun Oguri, au ‘’Bunkamura Cocoon Theater’’. En 2009, à Varna en Bulgarie, Javor Gardev donna une mise en scène où il mit l’accent sur la dénonciation du totalitarisme, son Caligula tenant à la fois du tyran antique, du fasciste et du dirigeant de l’ex-bloc de l’Est, étant une sorte de figure de dictateur universelle et anhistorique, les comédiens portant chemises noires et bottes de cuir, un motif hexagonal noir et blanc reproduit partout étant le symbole d’un état totalitaire. Lorsque, à l’acte II Caligula impose ses caprices aux sénateurs, l’arbitraire du pouvoir est très bien montré. Gardev choisit de donner à ces rapports de domination une couleur sadomasochiste en munissant Helicon d’une cravache… La mise en scène explorant les soubassements sexuels du culte de la personnalité, le corps de Caligula fut fortement érotisé, le comédien Dimo Alexiev, qui interprète le rôle, étant un véritable athlète à la musculature impressionnante qui focalise les regards, surtout lorsqu’il s’immerge dans le bassin et en ressort ruisselant, telle Vénus. Javor Gardev a indiscutablement le sens de la mise en scène, et en met plein les yeux aux spectateurs. Ce spectacle fut présenté aussi au Festival Next 002 à Courtrai (Belgique) et à la Maison des arts de Créteil. En 2009 encore, au Brésil, la pièce fut mise en scène par Rui Xavier, avec Daniel Sommerfeld dans le rôle-titre. Cette pièce sera toujours actuelle. Des quatre qu’écrivit Camus, elle est celle qui génère le plus de commentaires ; échappant à la lourdeur et à la contrainte symbolique dont allaient pâtir les pièces ultérieures, elle est aussi celle qui a été le plus jouée en France et ailleurs, qui est son succès le plus durable au théâtre. André Durand Faites-moi part de vos impressions, de vos questions, de vos suggestions ! Contactez-moi |
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