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[Illustration audiovisuelle :Leni Riefenstahl, Le triomphe de la Volonté (1934)] Quoi qu'il en soit, dans l'histoire de la culture et de l'art occidentaux, la notion de passion est liée à la découverte de l'individu. -------------------------------------- chapitre II : un couple qui s'est trouvé : l'individu et la passion À Saint-Pierre de Rome, l'autel se trouve au centre de la basilique. Ce qui n'est pas courant : dans les églises rondes, cet espace est sacré (le cercle est une image de la perfection) et doit donc demeurer vide. L'autel est en général construit en retrait, adossé au mur. Michel-Ange (1475-1564) et Bramante (1444-1514), les concepteurs du lieu, en ont décidé autrement. C'est au centre de cet espace que par le sacrifice de la messe le Christ s’incarnera, réalisant la jonction entre le monde terrestre et celui de la surnature. Mais ainsi l'humain investit le champ clos du divin. À l'aube de la Renaissance, l'homme quitte la « vallée de larmes » des textes sacrés : le monde sensible est devenu digne d’estime. Quand Boccace (1313-1375) célèbre la peinture de Giotto (1266-1337), il loue sa manière d'atteindre la vérité. Non plus celle, d'ordre interne, qui exprime la tension de l'humain vers le surnaturel, mais le monde concret. Or l'individu en fait partie : le réalisme en peinture est un effet de la réémergence de l'individu, car «représenter les choses et les êtres dans leur singularité, c'est les donner à voir tels qu'ils s'offrent au regard naïf, tels qu'ils existent dans le monde réel » 28. L'homme n'est plus conçu comme l'élément indistinct d'une humanité en attente de la parousie, mais comme une singularité. L'artiste commence à affirmer son identité et celle de ses proches. Dans le nord de l'Europe, Van Eyck (1390-1441) décide un jour de peindre le visage de sa femme dans toute son originalité, sans la dissimuler sous les traits de la Vierge ou d'Eve. En 1434, il peint le célèbre tableau Les fiançailles des Arnolfini : c'est la première image de personnes individuelles situées dans leur cadre quotidien, une chambre. Accroché au mur, un balai, symbole des devoir terrestres et quotidiens. Van Eyck est aussi un des premiers peintres à signer ses tableaux, poussant même l'affirmation de soi jusqu'à se représenter dans le reflet des miroirs (notamment celui des Arnolfini). Au même moment, à Florence, Masaccio (1401-1429) se place parmi les apôtres du Tribut. [Illustration audiovisuelle :Giotto ;Van Eyck (1390-1441), Les fiançailles des Arnolfini, Londres, National Gallery ; Masaccio] [Illustration visuelle (diapositive) :Michelangelo Merisi, dit : Le Caravage, La mort de la Vierge (1606), Le Louvre] Cet individu, reconnaissent de plus en plus fréquemment les juristes, possède des droits qui lui sont propres : le mécanisme qui, plus tard, conduira à l'affirmation des droits de l'homme s'est enclenché. Mais à vrai dire, la pensée occidentale avait déjà inventé l'individu une première fois. Section I : L'individu de la Grèce antique L'individu apparaît d'abord dans la Grèce antique, où l'artiste s'affranchit du style imitatif pratiqué par les anciens Empires, l'Égypte et la Mésopotamie, qui existaient toujours, mais sur la pente du déclin. En ce sens, la Grèce a inventé l'artiste et l'oeuvre d'art29. Comme bien plus tard à la fin du Moyen- Âge, les artistes se mettent à signer leurs oeuvres, en un geste qui nous paraît aujourd'hui obligatoire. Simultanément, les sculpteurs perfectionent leur art, dans un souci de réalisme (ils s'aperçoivent par exemple qu'une statue paraît plus vivante lorsque ses pieds ne sont pas collés au sol). Cependant, la statuaire grecque n'est pas purement descriptive. Elle réalise un compromis entre l’idéalisation des corps et leur réalité. La fracture grecque est produite par plusieurs ébranlements. Tout d'abord, la substitution de l'individualité civique aux anciennes solidarités claniques : ce n'est pas un hasard si ce tournant se produit entre 520 et 420 av. J.-C., à l'apogée du régime démocratique athénien. Du coup, la philosophie de l'art va évoluer. Platon (428-347) pensait que les oeuvres d'art ne constituaient que des reflets imparfaits du monde des idées, de même que pendant très longtemps, beaucoup de philosophes enseignèrent que la véritable musique n'était pas celle que percevaient le corps, mais une musique intérieure, intellectuelle, mettant en contact le sujet avec l'harmonie cosmique des sphères. Plus attaché au concret, Aristote (384-322) pense que la beauté est nourrie par les talents individuels de l'artiste ainsi que par la destination de l'objet. Ce qui ouvre évidemment la porte à l'individualisme. Toutefois, ne commettons pas de confusion : l'individu des Grecs ne correspond que partiellement à notre concept moderne. S'il émerge bien des pesanteurs traditionnelles, il n'est pas universel. La Cité lui est supérieure, en elle le droit trouve sa source. L’être qui ne peut invoquer un rattachement civique est infra- humain. Mais à la différence des solidarités archaïques, le lien civique est consenti, choisi. La Cité n'est pas fondée prioritairement par la volonté divine, ni par la Nature, mais par des conventions issues du choix des citoyens30. Plus tard, au IIIe siècle de notre ère, l'individu s'estompe : le sensible commence à moins compter que l'intériorité. Le christianisme des premiers siècles, tendu vers l'autre monde, fera le reste. Mais tout change à la fin du Moyen-Âge (n'oublions pas qu'il dure en Occident dix siècles, soit le laps de temps qui nous sépare de l'an 1000...), le symbolisme chrétien également. Section II : L'individu dans l'art européen Au XIIIe siècle, l’ange sourit au portail de la cathédrale de Reims ; la Vierge et beaucoup de personnages sont représentés avec des expressions et dans des attitudes qui n'ont plus rien de hiératique. L'esprit nouveau s'affirme davantage encore à Florence, sous les règnes de Cosme de Médicis l'Ancien (1435-1464) et Laurent le Magnifique (1469-1492) : c'est le Quattrocento. Lippi (1406-1469) et Botticelli, son élève, peignent souvent des Madones ou des divinités antiques sous les traits de pures jeunes filles31. [Illustrations audiovisuelles : Divers visages de Vierges et Vénus, de Lippi et Botticelli ] Au XVe siècle, dans les Flandres et en France, la Vierge voit toujours plus souligner son côté humain. Mais ici, c’est la mère déchirée par la crucifixion de son fils qui passe au premier plan, devant la Reine du ciel. L'épreuve de la douleur-nous l'avons vu, composante indéfectible de la passion-l'humanise. Comment ne pas citer ici la fameuse Pietà de Michel-Ange, exécutée en 1499 pour Saint-Pierre de Rome : la Vierge y est si jeune qu'elle paraît la fille du Christ... Nous sommes aujourd'hui moins sensibles à la figure de la Vierge (encore que la dévotion mariale de Jean Paul II soit bien connue), parce que nous nous faisons de Dieu une idée moins omnipotente que nos ancêtres. D'ailleurs, après Auschwitz, comme le suggère H.Jonas ,un Dieu bon n'est peut-être plus imaginable qu'en supposant que par un abandon mystérieux, il a lui-même renoncé à sa toute-puissance32. Si la Vierge s'humanise, la femme est idéalisée. Dante (1265-1321) tombe amoureux d'un ange, Béatrice Portinari, une jeune fille qu'il rencontre à Florence. Elle devient son guide au Paradis, dans la Divine Comédie. Pétrarque (1304-1374) brûle de la même flamme pour Laure de Noves, qu'il rencontre en 1327 à Sainte-Claire d’Avignon. Il célèbre son âme, mais aussi son corps et présente tous les symptômes de l'amour-passion. Ces deux auteurs exerceront une influence bien après leur mort, et au-delà de l'Italie : signe certes de leurs talents, mais aussi d'une évolution : l'idéalisation de la femme traduit la glorification de l'humain. Et aussi de la passion. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, l’expression des affetti devient une exigence primordiale dans les cercles où se compose et s'écoute la musique nouvelle. Maddalena Casulana (1544-1583) -une femme-met en musique des poèmes ou la douleur rime avec l'amour : Mon coeur ne peut mourir Je voudrais le tuer, puisque tel est votre désir Mais l'arracher de votre sein où si longtemps il fut couché Rien ne peut. [Illustration sonore : Barbara Strozzi (1619-1677), Cantate : Beaux yeux, beau sein, beaux cheveux et belle bouche (1651), Harmonia Mundi, 2000] De plus, lors de la Renaissance, la redécouverte de la perspective (plus rapide chez les Italiens que chez les Flamands) est aussi un effet de l'individualisme : le peintre représente le monde à partir de la place qu'il occupe. Mais ne nous y trompons pas, cette valorisation du monde sensible, cette attention portée à l'individu ne signifie pas qu'on se détourne de Dieu. Quand Dürer (1471-1528) fait son Autoportrait , il s’y donne l'air du Christ. Mais le procédé n'est en rien blasphématoire : s'il dirige l’attention sur l'homme, il entend surtout montrer que celui-ci doit faire effort pour ressembler à Jésus. Dieu finira quand même par quitter la scène, mais plus tard. Dernière conséquence de la redécouverte du réel : l’imitation de la nature. Elle va régir le monde des arts jusqu'au XVIIIe siècle, et le concept fera les délices des théoriciens du baroque. Puisque l'oeuvre d'art n'a plus pour but, comme au Moyen- Âge, de suggérer, symboliser une réalité cachée à nos sens, elle doit reproduire le monde sensible. Dans le domaine de la musique, cet impératif sera largement traduit par celui d'expression des sentiments humains : l'amour, la colère. Sous cette poussée, le madrigal se transforme progressivement. Il évolue de la polyphonie vers la monodie, qui permet davantage l’intelligibilité du texte. La musique doit être la servante du texte, car texte il y a. N'oublions pas en effet qu'à cette époque, l'autonomie de la musique purement instrumentale n'existe pas : jusqu'à la deuxième moitié du XVIIe, la voix prédomine dans les formes d'expression musicale, au point que les parties purement instrumentales sont écrites comme pour elle. L'opéra naît en Italie au début du XVIIe et ses créateurs croient suivre le modèle de la déclamation du théâtre antique : le sens prédomine donc, la musique doit le servir. Vérité du monde, vérité de l'individu, vérité des sentiments : tel est le nouveau Dieu trinitaire que se donnent pour mission d’incarner les artistes. En naîtra la peinture des passions. Mais celles-ci vont susciter bien des controverses. ----------------------------------- chapitre III : insaisissables passions : controverses philosophiques Peut-on faire de l'histoire des passions une lecture évolutionniste ? Une telle approche est tentante. Incontestablement, les moeurs semblent glisser du devoir au plaisir, des conventions à l'authenticité . Les passions paraissent s'en trouver progressivement valorisées, pour parvenir à notre époque où leur composante douloureuse n'apparaît plus guère. Mais une telle optique est très schématique. D'une part elle ne tient pas compte des spécificités culturelles : nous avons vu que l'esprit français montrera toujours plus de retenue que le goût italien. D'autre part et surtout, comme toute approche évolutionniste, elle a tendance à privilégier la succession par rapport au synchronisme. Si la dénonciation des passions est incontestablement l'attitude la plus ancienne, cela ne signifie pas pour autant que leur condamnation est rapidement devenue obsolète. Au XVIIe même, on voit voisiner cette tendance (cf. les attaques de Port-Royal contre le théâtre) avec des approches plus mesurées, y compris chez Descartes, pour lequel les passions ne sont ni bonnes, ni mauvaises. De plus, les contempteurs des passions se retrouvent bien loin de l'Occident. Nous l'avons déjà signalé, pour les bouddhistes, les passions constituent une impasse et condamnent ceux qui s'y livrent à une succession éprouvante d'incarnations (le samsâra). Car la réincarnation, contrairement à la manière dont nous avons tendance à l'interpréter, n'est pas une attente, une sorte de résurrection. Au contraire, elle manifeste la persistance du sujet dans le continuel espoir du bonheur, toujours déçu puisque dans le monde règne la souffrance. La stabilité, au-delà du bonheur ou de la douleur, ne viendra que dans le nirvâna, état difficile à définir, mais duquel toute passion est bannie. Mais revenons à l'âge baroque, principalement en France. Dans une longue tradition venue de l'Antiquité (le Sage cherche à atteindre l’ataraxie, le calme), mais coulée dans le moule chrétien, la passion est le plus souvent dénoncée en raison des maux qu'elle apporte. Mais simultanément, des voix s'élèvent pour dire qu'il ne convient pas d'éliminer les passions, mais plutôt de les maîtriser. Ce faisant, on passe progressivement de leur condamnation à leur valorisation. Section I : La passion dénoncée La passion est un mal, elle est même une facette du Mal, à travers la notion de péché. Elle manifeste l'excès, d'où sa brièveté. Irrationnelle, elle est promesse de douleur. Le danger de déraison est particulièrement manifeste en musique. a) La passion est péché En 1684, le père Ameline écrit que les passions sont les principales maladies de l'âme et qu'elles sont apparues avec la Chute, l'expulsion de l'homme du Paradis. C'est le péché, qu'Adam a causé à l'âme. Autrement dit, la passion est constitutive de la nature humaine, du moins de sa nature d'après la faute initiale . D'ailleurs, poursuit l'ecclésiastique, la passion est d'abord inscrite dans le corps, opposé à l'âme. Dans le corps, et donc aussi sur les visages : il y a une physionomie des passions, d'où la fréquence des séries des bustes des douze Césars, décrits par Suétone. Esclave des passions, l'homme ne peut espérer s'en affranchir totalement : sa dépendance ne prendra fin qu'avec sa mort, qui le fera accéder à une paix entière. Ce courant chrétien se coule volontiers dans le néo- stoïcisme, en vogue au milieu du siècle (Gomberville, 1646 ; Le Grand, 1663). Ce courant philosophique prône un homme sans passions, entièrement dédié à la Raison. Il n’exprime pas toute la spiritualité chrétienne de ce temps, loin de là. En effet, et nous entrons ici dans l'esthétique baroque, la description de la douleur (Vierge au coeur transpercé de sept épées, telles Notre Dame des sept douleurs, par Nicolas Blanchet (1614-1689) ou la Vierge de Nicolas Mignard ; la peinture du ravissement (les extases), celle du repentir (de Pierre ou de Marie-Madeleine) constituent un courant non moins important de cette époque. [Illustrations visuelles : -(diapositive) Pedro de Mena, Madeleine repentante (1664), Madrid, Musée du Prado -N.Blanchet, Notre Dame des sept douleurs, Musée des Beaux-Arts, Lyon -Claude Mellan (1598-1688), La Madeleine en méditation, BNF -Hyacinthe Rigaud (1658-1745), Saint-Pierre repentant, Musée Rigaud, Perpignan] Illustration sonore : Charpentier (1643-1704), Le reniement de Saint-Pierre, Choeur final, dans : Figures de la passion, Paris, Musée de la musique, 2001] Qui regarde aujourd'hui ces tableaux peut les trouver excessifs. C'est que l'excès est bien la marque de la passion. Quittons un instant le Grand Siècle pour nous en persuader en considérant l'état amoureux tel qu'il est vécu de nos jours (ne croyons pas pour autant qu'il serait forcément étranger à nos ancêtres. Sans quoi, on comprendrait mal le succès de Dante et de Pétrarque). Stendhal, qui n'est pas notre contemporain, a donné la célèbre analyse de la cristallisation (par comparaison avec le phénomène physique qui se produit lorsqu'on plonge un bâtonnet dans une solution saline, dont le contact le couvre de cristaux étincelants) : nous parons la personne aimée de toutes les qualités, jusque dans ses défauts. Pour F.Alberoni33, un auteur de notre temps, la naissance de l'état amoureux suppose deux conditions préalables. Tout d'abord, une insatisfaction par rapport à notre état présent, phénomène qui se manifeste tout particulièrement au moment de l'adolescence, mais pas seulement : il peut aussi être engendré par la mésentente conjugale, ou la crise du milieu de vie 34(le démon de midi, suivant l'expression familière). D'autre part, la volonté-et la capacité de le décider- d'un changement profond. La personne alors rencontrée, puis objet de l'état amoureux, devient la porte d'accès à une vie nouvelle, ou espérée telle. Les hommes et les femmes parviennent-ils à cet état différemment ? La question est controversée. Jusqu'à des temps récents, la réponse serait affirmative : l'homme sépare plus nettement la sexualité de l'amour que la femme. Cela pour des raisons mélangeant les données naturelles et culturelles. Il ne connaîtrait donc que plus rarement la fusion entre la sexualité et l'amour, justement dans l'état amoureux, alors que chez la femme les liens entre les deux attitudes, plus ou moins affirmés, seraient plus fréquents. Mais depuis une trentaine d'années, la mise en scène du plaisir féminin, la libéralisation des moeurs, les conquêtes du premier féminisme, qui passait par une revendication d'uniformité entre les sexes ont sans doute affaibli la distinction. Quoi qu'il en soit, ce qui compte pour nous dans cette description de l'état amoureux est la confirmation de la mise en oeuvre de l'excès par la passion . Comme le souligne Roger Vigouroux35, il existe un parallèle entre l'attitude de l'amoureux et celle de l'artiste : tous deux, mûs par un élan passionnel qui, certes, n'a pas le même objet, ont tendance à se focaliser sur un thème unique, au prix de la restriction de leurs potentialités dans d'autres domaines (Mozart, bien que bon lecteur, ne pensait qu’à la musique). Autre marque de l'excès, surtout sensible dans l'état amoureux (l'artiste peut être plus persévérant que l'amant) : l'illusion de la durée. L'intensité des émotions ressenties est souvent telle qu'il est impossible de croire qu'elle se dissipera. Pourtant, il est bien rare qu'on puisse totalement changer de vie, quelle que soit la personne rencontrée, et qu'un bonheur sans failles ni effort succède au malheur ou à l'ennui : l'intensité émotionnelle de l'état amoureux ne dure pas, même s'il peut fort bien déboucher sur l'amour authentique, plus assuré de se perpétuer. Nous abordons par là un autre reproche fait à la passion : sa brièveté. b) La passion est passagère Le banquier Édouard André (1833-1894) était à la tête d'une immense fortune et , bonapartiste convaincu, bien vu du pouvoir. Amateur d'art, il était amoureux du XVIIIe siècle en un temps où l'art de cette époque était méprisé. En 1881, il épouse une jeune femme peintre, Nélie Jacquemart, qui appartenait à une famille peu argentée et monarchiste. Malheureusement, Édouard était atteint de syphilis : le couple n’eut pas d’enfants, et les époux firent chambre à part. Durant leur vie commune, ils constituèrent ainsi des collections prestigieuses consacrées principalement au XVIIIe siècle et au Quattrocento, aujourd’hui abritées dans l’hôtel particulier de la Plaine Monceau qui leur servait de demeure, devenu le musée Jacquemart- André. Malgré la maladie, ce fut donc un couple uni, qui dura une quinzaine d’années et ne fut séparé que par la mort. Ils étaient habités d’une passion commune : l’art, ce qui explique sans doute la permanence de leur entente. Attardons-nous dans leur bibliothèque : nous y remarquons un tableau de Van Dyck (1599-1641), où un vieillard maintient fermement un enfant . Il le mutile avec un instrument tranchant, dans un décor où l’on devine des ruines aux couleurs sombres. La scène s’intitule : Le Temps coupe les ailes de l’Amour. |