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Souvenirs du général

Charles COUSIN DE MONTAUBAN

L'EXPÉDITION

DE CHINE

DE 1860


à partir de :

L'EXPÉDITION DE CHINE DE 1860

Souvenirs du général Charles Cousin de Montauban

Comte de Palikao

publiés par son petit-fils le comte de Palikao

Librairie Plon, Paris, 1932, 450 pages.




Le général Cousin de Montauban (1796-1878), comte de Pa-li-kao.

(portrait gravé par Morse)

Édition en mode texte par

Pierre Palpant

www.chineancienne.fr

novembre 2013

TABLE DES MATIÈRES
Note des éditeurs

Avant-propos
PREMIÈRE PARTIE : L'ORGANISATION DE L'EXPÉDITION

Chapitres : I. De Paris à Shanghaï. — II. Shanghaï. Mission de remonte au Japon. — III. Préparatifs militaires et pourparlers diplomatiques. — IV. Les hostilités. Chusan. — V. Tché-fou.

DEUXIÈME PARTIE : LES OPÉRATIONS MILITAIRES

Chapitres : I. Le débarquement à Pé-Tang. — II. L'attaque des forts du Peï-Ho. — III. Séjour à Tien-Tsin et négociations diplomatiques. — IV. La marche sur Pékin. Combats de Tchang-kia-ouan et de Pa-li-kiao. — V. La prise du palais d'Été.

TROISIÈME PARTIE : PÉKIN

Chapitres : I. L'occupation de Pékin. — II. La signature de la paix.

QUATRIÈME PARTIE : L'ÉVACUATION

Chapitres : I. Les dernières difficultés. — II. En route vers la France.
Épilogue.

TABLE DES ILLUSTRATIONS
Le général Cousin de Montauban, comte de Pa-li-kao.

Croquis pour servir à l'intelligence des opérations sur les côtes de Chine.*

Plan du camp de Tché-fou.*

Le général de Montauban à Pé-tang le 1er août 1860.

Carte de l'embouchure du Pé-tang.*

Carte des forts du Peï-ho.*

Combat de Tchang-kia-ouan, 18 septembre 1860.*

Combat de Pa-li-kiao, 21 septembre 1860.*

Le pont de Pa-li-kiao.

Lord Elgin sur le champ de bataille de Pa-li-kiao.

Lord Elgin et le prince Kong signant le traité.

L'entrée solennelle des Français à Pékin.

La première messe militaire célébrée à Pékin.


Les illustrations dont les légendes sont suivies d'un astérisque sont des cartes extraites de l'Atlas de l'expédition de Chine en 1860, présenté ici sur internet par la Staatbibliothek zu Berlin, avec les signes conventionnels suivants :



Elles ont été jugées utiles à la compréhension des opérations.

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Croquis pour servir à l'intelligence des opérations sur les côtes de Chine.

(extrait de l'Atlas de l'expédition de Chine en 1860)

NOTE DES ÉDITEURS

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p.I Au début du dix-neuvième siècle, la Chine hypnotisée par le souci d'écarter les étrangers de son sol, n'avait encore ouvert qu'un seul de ses ports, celui de Canton, au commercé européen. Par cet unique guichet, comparé par M. de La Gorce à celui d'un lazaret, l'Angleterre faisait passer l'opium dont les Chinois étaient friands. Le gouvernement de Pékin, ému des ravages causés par ce toxique, voulut réagir. Le 7 juin 1839 les autorités de Canton saisirent dans les factoreries vingt mille caisses du dangereux narcotique, d'une valeur de 100 millions de francs, qui furent immédiatement jetées à la mer. La guerre, connue sous le nom de guerre de l'opium, s'ensuivit.

Refoulés de Canton, les Anglais se réfugièrent à Macao, d'où ils furent bientôt expulsés ; mais, le 28 juin 1840, la flotte de l'amiral Elliott apparaissait dans les mers de Chine. Elle bloquait Canton, bombardait Amoy, s'emparait de Chusan et pénétrait dans le Peï-ho qui conduisait vers Pékin. Des négociations s'engagèrent. Leur menteur découragea le cabinet de Londres. L'amiral Parker prit le commandement de toutes les forces britanniques et entreprit, le 6 août 1841, le siège de Nankin. Les Chinois demandèrent alors la paix ; elle fut signée le 26 août. L'Angleterre obtenait une indemnité de guerre de 500 millions, la pleine propriété de l'île de Hong-Kong et l'ouverture à son commerce de cinq places : Canton, Shanghaï, Sou-tchéou, Amoy et Ning-poo.

La France qui, elle aussi, avait des intérêts à défendre dans p.II le Céleste Empire, notamment ceux de ses missionnaires, fut admise, par le traité du 24 octobre 1844 à bénéficier des avantages accordés à nos voisins d'outre-Manche.

Ces conventions, acceptées à contre-cœur par les Chinois, n'amenèrent pas la pacification des esprits. Le début de 1855 vit les épouvantables tortures infligées à un prêtre français, M. de Chapdelaine. L'année suivante, le vice-roi de Canton se saisit, au mépris du droit des gens, de douze matelots anglais qu'il consentit, il est vrai, à libérer sous la pression des énergiques réclamations du consul, mais en se refusant à toute excuse. L'amiral Seymour bombarda la ville pendant quarante-huit heures. En représailles le 13 décembre 1856, le vice-roi mit le feu aux factoreries européennes. Français, Anglais et Américains se réfugièrent à Hong-Kong. Les Chinois se saisirent du paquebot le Chardon et massacrèrent onze de ses passagers.

Les trois puissances intéressées résolurent d'en finir. Avec des navires de guerre elles envoyèrent à Hong-Kong, comme plénipotentiaires, Lord Elgin, le baron Gros et M. Read auxquels se joignit un Russe, le comte Poutiatine.

Un ultimatum adressé au vice-roi ayant été repoussé, la flotte anglo-franco-américaine, sous les ordres des amiraux Seymour et Rigault de Genouilly, bombarda de nouveau Canton le 28 décembre 1857 et s'empara de la ville.

Les commissaires se transportèrent à l'embouchure du Peï-ho. Ils y parvinrent le 20 avril 1858 et trouvèrent le fleuve barré. Les 15 navires anglais, les 11 français et les 2 frégates américaines anéantirent, en mai, les défenses accumulées et réduisirent au silence les forts de Ta-kou. Le gouvernement chinois prit peur. Les 18, 26 et 27 juin 1858 de nouveaux traités furent signés à Tien-Tsin qui fixaient les droits des Européens, proclamaient la liberté de l'exercice des religions chrétiennes, ouvraient de nouveaux ports au commerce et stipulaient diverses réparations. Les ratifications devaient être échangées à Pékin où, désormais, les ministres étrangers auraient droit de résidence.

Le baron Gros et Lord Elgin quittèrent alors l'Extrême-Orient (mars 1859), laissant la direction des affaires au comte de Bourboulon et à M. Bruce. Ces derniers voulurent gagner Pékin : ils trouvèrent encore le Peï-ho obstrué et l'amiral Hope tenta, p.III le 25 juin, de forcer le passage. Ce fut en vain. Au cours du combat, le commandant Tricault, l'aspirant Bany, l'amiral Hope furent blessés, 450 Anglais et 14 Français mis hors de combat. Les alliés se replièrent sur Shanghaï abandonnant l'espoir d'obtenir les signatures promises.

Cet échec fut douloureusement ressenti en France et en Angleterre. Une action commune, qui devait être décisive coûte que coûte, fut concertée. Une circulaire du maréchal Randon, ministre de la Guerre, en date du 7 novembre 1859, demanda des volontaires : ils se présentèrent en tel nombre que jamais corps expéditionnaire ne fut composé d'une pareille élite de soldats. On put constituer, grâce à eux, deux brigades sous les ordres des généraux Jamin et Collineau.

Le général Cousin de Montauban, commandant la division militaire de Rouen reçut le commandement en chef.

*

Charles-Guillaume-Marie-Apoline-Antoine Cousin était né à Paris, 18, rue Taitbout, le 6 messidor an IV (24 juin 1796), de Jean-Antoine Cousin, ancien officier écarté prématurément du service par une blessure à la jambe, garde-magasin des effets d'artillerie de l'armée de l'Intérieur, et de Adelaïde-Diane-Hortense-Apoline de Launay de Vicardois, son épouse, qui s'étaient mariés à Paris le 26 messidor an III (14 juillet 1795). Le nouveau-né était le petit-fils du général de division Jacques-Charles-René de Launay, lequel, issu d'une famille du Calvados, avait été autorisé à prendre sa retraite le 13 frimaire an III.

Avant d'aller plus loin, notons qu'un jugement du tribunal civil de la Seine, du 29 février 1844, autorisa Charles Cousin à ajouter à son nom celui de Montauban, anciennement porté par ses ancêtres, en attendant qu'un décret impérial du 16 mai 1863 fixât définitivement son état civil sous la forme : Cousin de Montauban, comte de Palikao.

La carrière militaire du général de Montauban est trop connue pour qu'il soit besoin de la relater dans ses détails. Admis à dix-huit ans dans la compagnie des Gardes du Corps de Monsieur, p.IV le 16 juillet 1814, il fut lors de la seconde Restauration, versé comme sous-lieutenant dans un régiment de cuirassiers, puis admis comme élève à l'École d'application d'état-major le 1er mars 1820. Cousin fit, comme officier d'ordonnance du général Toussaint, la campagne d'Espagne de 1823, mais c'était en Algérie qu'il devait donner sa mesure. Nommé, le 14 décembre 1831, lieutenant au 2e régiment de chasseurs d'Afrique qui venait d'être créé à Oran, il ne devait quitter la colonie naissante que vingt-six ans plus tard. Il se distingua devant Tlemcen, aux combats de la Sikkak de Temsalmet, lors de la razzia contre les Ouled-Galfas au combat de Sidi-Ladhar, à Loa, sur l'Aïn-Térid, sur d'autres points encore. Il joua un rôle important dans la reddition d'Abd-el-Kader et ce fut à lui que l'émir fit en premier lieu sa soumission. Dix citations à l'ordre de l'armée ou de la division d'Oran, une blessure par coup de feu pénétrant dans la poitrine à l'affaire de Souk-el-Miton sur le Cheliff (6 juillet 1841) attestent son courage et sa brillante attitude sous le feu. Le 28 décembre 1855, il était promu général de division.

En cette qualité, Montauban commanda successivement les divisions d'Oran, de Limoges, de Tours, avant d'être placé, le 10 juin 1859, à la tête de celle de Rouen. C'est là que le choix de Napoléon III, guidé par l'affectueuse estime du général Fleury pour son compagnon des guerres d'Afrique, vint le chercher pour lui confier le corps expéditionnaire de Chine.

On verra, par les Mémoires que l'on va lire, comment il sut s'acquitter de cette mission. Rappelons simplement que Thiers, à diverses reprises, a traité la campagne de 1860 de chef-d'œuvre et que l'un des pires ennemis de Montauban, Émile Ollivier, a reconnu qu'elle « exigeait une énergie, une décision, une prudence hardie, un sang-froid, une habileté rare, surtout aux côtés d'un allié ombrageux », et que son commandant en chef déploya toutes ces qualités à un degré supérieur.

L'Empereur, cette fois comme toujours, ne fut pas un ingrat. Le général reçut de lui la plaque de grand-croix de la Légion d'honneur le 26 décembre 1860, un fauteuil de sénateur le 6 mars 1861, la médaille militaire le 28 novembre suivant, le titre de comte de Palikao par décret du 22 janvier 1862, p.V titre rendu héréditaire par un second décret impérial du 16 mars 1863 1 :

On ne peut rendre la même justice au corps législatif. Les députés ne comprirent pas que Montauban, par ce qu'ils appelaient dédaigneusement un coup de main contre une armée de fantoches, avait porté le prestige de la France en Extrême-Orient à un degré sans lequel toutes nos conquêtes ultérieures sur ce coin d'Asie auraient été impossibles. Apeurés devant l'opposition qui ne voyait là qu'une occasion d'être désagréable à Napoléon III, les députés firent grise mine au projet d'une modeste dotation de 50.000 francs de rente. Après le rejet de sa motion, le gouvernement dédommagea le général par un prélèvement de 589.500 francs sur l'indemnité payée par la Chine.

Nommé au commandement du 4e corps d'armée et de la 8e division militaire à Lyon le 22 juin 1865, le général de Palikao occupait encore ce poste quand éclata la guerre de 1870. Il ne put obtenir de servir activement — il avait d'ailleurs soixante-quatorze ans à cette époque — mais il allait bientôt être au danger.

Émile Ollivier, président du Conseil, s'étant rendu impossible, l'Impératrice fit appel à son dévouement. Malgré la gravité des circonstances presque désespérées, Palikao n'hésita pas. Le 10 août, avec la présidence du Conseil, il prenait sa lourde part des responsabilités. Il a raconté lui-même ses angoisses et ses efforts, dans son livre : Un ministère de la Guerre de vingt-quatre jours 2. Les événements furent plus forts que son patriotisme et que son énergie. Il dut assister impuissant aux tristes événements du 4 septembre.

Retiré en Belgique, le général ne put faire agréer ses p.VI services par les hommes de la Défense nationale. Bien qu'il eût été maintenu en activité sans limite d'âge comme ayant commandé en chef devant l'ennemi, sa carrière militaire était terminée. Le vainqueur de Palikao mourut à Paris le 7 janvier 1878.

*

Charles de Montauban avait épousé à Chambourcy (Seine-et-Oise), le 26 janvier 1822, Marie-Elisabeth-Victoire Thurot, née dans cette commune le 29 fructidor an X (16 septembre 1802). Celle-ci devait mourir à Paris le 22 janvier 1882, après avoir mis au monde plusieurs enfants dont un seul fils.

Ce dernier, Charles-Guillaume-Antoine (9 mai 1830-23 juillet 1889), créé vicomte à titre personnel par décret du 9 février 1867, fut promu général de brigade le 3 mai 1870. Il épousa successivement Jane- White Butterfield dont il eut deux filles, qui devinrent la marquise de Mortemart et la comtesse d'Andigné, puis Claire-Herminie-Catherine Théry de Gricourt, d'où deux fils : Charles, décédé, et Romain, aujourd'hui comte de Palikao.

*

Le récit de l'expédition de Chine, dédié par le comte de Palikao à son fils, en témoignage de son amour paternel, comme il est écrit dans l'avant-propos, n'a pu être publié par l'auteur. La mort a frappé également le second général de Montauban avant que la publication en ait paru opportune.

Les circonstances ne sont plus les mêmes aujourd'hui. Tous les acteurs de ces événements ont disparu et la complexité des questions soulevées par les affaires de Mandchourie attire, derechef, l'attention sur le Céleste Empire.

L'étude des archives de notre première expédition touche donc de nouveau à l'actualité.

Il appartenait au petit-fils du commandant en chef, Romain de Montauban, comte de Palikao, de livrer les présentes pages au public. À cette tâche, où ils ont vu un suprême hommage à rendre à la mémoire de leur grand-père, ont également collaboré le baron de Brimant et le commandant Bergognié, l'un et l'autre p.VII petits-fils du grand soldat à qui la France doit un peu plus de gloire.

M. Jean Hanoteau a bien voulu les aider de ses conseils et ils tiennent à l'en remercier ici.

*

Le manuscrit des présents Mémoires est écrit de la main d'un secrétaire mais contient de nombreuses corrections, notes et additions de la main du général de Montauban. Il comporte plus de mille feuillets, de format écolier, couverts, au verso seulement, d'une large écriture.

Nous avons dû couper un certain nombre de passages par suite de la méthode de travail adoptée par l'auteur. En effet, sa rédaction terminée, ce dernier a complété son récit en y intercalant des copies de documents originaux, lettres écrites et reçues par lui, rapports au ministre de la Guerre, etc. Cette manière de procéder a eu souvent pour résultat de faire passer deux fois les mêmes événements sous les yeux du lecteur. Ces répétitions étant inutiles et oiseuses, nous avons éliminé, ici le récit, là le document annexe qui faisait double emploi.

La nécessité de ne pas alourdir démesurément ce volume nous a également obligés à négliger quelques passages formant longueur ou en dehors du sujet. Parmi ceux-ci nous regrettons d'avoir dû sacrifier les dernières dépêches du général de Palikao au maréchal Randon. Le ministre de la Guerre avait donné l'ordre à son subordonné d'étudier, avant son retour en France, une expédition, plus importante que tout ce qui avait été amorcé jusqu'alors en Cochinchine. On aurait vu dans ces lettres avec quelle prescience de l'avenir, avec quelle acuité de vue, avec quelle sûreté de jugement, Montauban prévoyait et préconisait les méthodes qui, appliquées plus tard par d'autres, devaient nous assurer notre merveilleux domaine indo-chinois. Peut-être un jour, ces fragments pourront-ils être publiés à leur tour.

*

Nous n'ignorons pas que l'auteur des Mémoires que nous présentons au public, comme beaucoup d'hommes du Second Empire et aussi injustement qu'eux, a été attaqué avec une passion dont la bonne foi fut souvent exclue. Les incidents du palais d'Été, notamment, furent cruellement exploités contré lui.

Il nous suffira, pour réduire à néant ces calomnies, de faire cette simple constatation : le général comte de Palikao, après avoir exercé de si hautes fonctions, après avoir été commandant en chef, sénateur, président du Conseil, n'a laissé, à sa mort, qu'une très modeste fortune.

Les éditeurs.

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AVANT-PROPOS

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p.VIII Plusieurs années se sont écoulées depuis que l'expédition de Chine a été terminée et bien des fois j'ai pris la plume pour en faire le récit. J'ai toujours été empêché de donner suite à ce projet dont l'exécution devait redresser des erreurs commises volontairement ou involontairement dans quelques ouvrages publiés sur cette campagne lointaine.

Je possède seul tous les documents officiels sur cette entreprise et nul autre que moi ne peut donner les motifs qui ont dirigé tous mes actes dont la responsabilité m'incombe tout entière, la distance à laquelle je me trouvais du gouvernement ne lui permettant pas de me tracer une direction quelconque.

Aujourd'hui, libre des préoccupations qui ont motivé le retard que j'ai apporté à cette publication et pressé par les instances de mes amis, je me décide à faire paraître cet ouvrage que je dédie à mon fils unique qui a partagé bien souvent tous mes travaux et qui mérite à tous égards ce souvenir de mon amour paternel.

Tous les principaux acteurs de ce grand fait d'armes ont disparu de la scène du monde et j'ai le triste privilège de leur avoir survécu. Ce livre sera un dernier hommage rendu à leur mémoire.

Paris, le...  1

Général de Montauban, comte de Palikao.

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PREMIÈRE PARTIE

L'ORGANISATION DE L'EXPÉDITION

CHAPITRE PREMIER

DE PARIS À SHANGHAÏ

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p.001 Au mois de novembre 1859, je commandais la 2e division militaire à Rouen, lorsque je reçus de M. le colonel Ribourt, chef de cabinet du maréchal Randon, ministre de la Guerre, une lettre par laquelle il me demandait quelle serait ma réponse si l'on me proposait le commandement en chef de l'expédition projetée contre la Chine. Je répondis immédiatement que j'accepterais, mais que je désirais cependant savoir dans quelles conditions aurait lieu ce commandement. Un télégramme du ministre de la Guerre, qui me parvint quarante-huit heures après ma réponse, me prescrivit de me rendre tout de suite à Compiègne, où se trouvait l'Empereur ; vingt-quatre heures après j'étais auprès de Sa Majesté.

Le ministre de la Guerre me présenta à 7 heures du matin à l'Empereur dans son cabinet de travail, et la p.002 première question que Sa Majesté m'adressa fut pour me demander si je me sentais la force nécessaire pour supporter les fatigues d'une campagne lointaine, qui pourrait être très longue et sous un climat sévère pour les Européens. Je répondis à Sa Majesté que j'avais passé vingt-sept ans de ma vie en Afrique sans avoir été malade et que mon corps était endurci aux fatigues de la guerre. L'Empereur prit ensuite une carte sur son bureau et me la remit ; c'était celle de la Chine, sur laquelle étaient indiquées les opérations qui avaient eu lieu en 1858 et qui s'étaient terminées, si malheureusement, devant les forts du Peï-ho. Sa Majesté me mit alors en rapport avec M. le comte de Kleskowski, premier secrétaire de la légation française en Chine, et m'engagea à me mettre au courant de la question avec ce diplomate, homme de beaucoup de mérite et connaissant parfaitement les hommes et les choses de l'empire du Milieu.

L'Empereur me fixa une seconde audience à midi ; je me présentai de nouveau et, après plusieurs questions auxquelles je répondis le plus catégoriquement possible, Sa Majesté me retint à Compiègne. Après le déjeuner et dans le salon de réception où se trouvait S. M. l'Impératrice et un assez grand nombre de personnages de la Cour, l'Empereur me présenta sous le titre de commandant en chef de l'expédition en Chine.

Je n'ignorais pas que l'expédition devait partir dans un court délai, et je demandai à Leurs Majestés la permission de retourner immédiatement à Paris pour faire mes préparatifs de départ et étudier un certain nombre de questions que je devais soumettre à la décision de l'Empereur, qui, seul, pouvait leur donner une solution. Je reçus l'autorisation de me rendre au palais des Tuileries le matin à 10 heures pour entretenir Sa Majesté de mes appréciations sur les besoins de l'expédition.

La première demande que je formulai fut la réunion dans mes mains du commandement des forces de terre et de mer et des pouvoirs diplomatiques. Il était évident que la marine n'était appelée à jouer qu'un rôle de puissante auxiliaire dans une expédition dont le but était de pénétrer dans l'intérieur d'un pays, qui ne pouvait opposer aucune force navale aux flottes de l'Angleterre et de la France. Elle n'était qu'un moyen de transport des troupes p.003 de terre, et, à ce titre, la direction de ses mouvements devait rester tout entière au commandant en chef de l'expédition.

Nous n'avions en Chine qu'un ministre, M. de Bourboulon et, malgré le mérite de ce diplomate, sa position n'était pas assez élevée pour traiter les grandes questions qui pouvaient surgir de cette guerre, entreprise de concert avec l'Angleterre qui avait, à la tête de ses troupes, un amiral et un général : la main qui tenait l'épée devait donc tenir aussi la plume.

Ces premières demandes me furent accordées sans difficultés ; un décret en date du 13 novembre 1859 me conféra le titre de commandant en chef des forces de terre et de mer de l'expédition de Chine.

Ma seconde demande porta sur la nécessité pour moi de recevoir de Sa Majesté une délégation de son omnipotence pour les nominations à divers grades dans l'armée et dans l'ordre impérial de la Légion d'honneur. À la distance où se trouverait l'armée de Chine, les récompenses méritées se feraient attendre au moins six mois, temps nécessaire pour obtenir une réponse aux propositions que je ferais. Or, personne n'ignore combien les faveurs les plus méritées perdent de leur prix lorsqu'elles sont trop longtemps attendues ; d'autre part, ne pouvait-il pas arriver que ceux auxquels elles seraient destinées ne succombassent avant de les avoir reçues ? Enfin, je terminai en rappelant à Sa Majesté le proverbe latin : Bis dat qui cito dat.

Ma seconde demande me fut octroyée très gracieusement, dans les limites suivantes : je reçus le pouvoir de nommer dans l'armée à tous les grades jusqu'à celui de colonel inclusivement, et dans l'ordre de la Légion d'honneur jusqu'au grade d'officier inclusivement. Les nominations que je ferais aux grades de colonel, lieutenant-colonel et sous-lieutenant devaient être approuvées par l'Empereur. Cette restriction n'était absolument que pour la forme et aucune des promotions que j'ai faites n'a donné lieu à la plus légère observation ; il est vrai que je n'ai usé qu'avec réserve des pouvoirs qui m'étaient conférés.

Je fus moins heureux dans la dernière demande que je fis ; j'aurais voulu obtenir qu'une commission composée de quelques savants et artistes pût accompagner l'expédition et recueillir tout ce que devrait offrir de curieux, sous p.004 le rapport de l'histoire et des arts, un pays dans l'intérieur duquel, depuis l'Empereur Ki-long, contemporain de Louis XIV, les Européens n'avaient jamais pénétré. Cette idée, qui avait paru d'abord sourire à Sa Majesté, reçut un commencement d'exécution par la nomination de M. d'Escayrac de Lauture à la présidence de cette commission.

M. d'Escayrac, homme instruit, intelligent, travailleur d'un caractère réfléchi, avait déjà voyagé dans diverses contrées de l'Orient ; il avait publié quelques écrits sur ses voyages et, depuis son retour à Paris, avait fait imprimer, sous le titre modeste de Mémoires sur la Chine, des appréciations qui ont de la valeur : son nom reparaîtra plus tard dans la relation que j'entreprends. La commission ne fut pas constituée, et je ne pus obtenir que la promesse de l'envoi d'un photographe qui ne vint jamais, à mon grand regret, car l'expédition anglaise eut le monopole de la reproduction des faits principaux de cette campagne.

Deux généraux de brigade furent placés sous mes ordres, le général Jamin, avec le titre de commandant en second de l'expédition, et le général Collineau. Le premier de ces généraux était d'un caractère froid, plein de loyauté, sachant allier la fermeté à la bienveillance 1. Le second était l'un des officiers généraux de l'armée les plus estimés pour sa valeur et ses talents militaires ; son caractère était bouillant et ombrageux mais plein de droiture 2.

L'Empereur avait désigné lui-même le chef d'état-major général de l'expédition, M. le colonel Schmitz, aujourd'hui général de division, un de ses officiers d'ordonnance. Je n'eus qu'à me louer du choix de cet officier supérieur qui joignait à une instruction solide un esprit vif et une bravoure dont il importait parfois de modérer le trop grand élan 3.

p.005 Le colonel de Bentzmann 4, commandant l'artillerie, était l'officier supérieur qui convenait le mieux à l'organisation de l'artillerie dans une mission aussi lointaine et qui n'offrait sur les lieux mêmes que très peu de ressources. Homme d'une grande distinction, ce colonel possédait cette intelligence de la pratique de son arme qui lui a fait surmonter toutes les difficultés que rencontrèrent la création de nos batteries.

Le colonel chef du génie, désigné par le ministre de la Guerre, M. Déroulède 5, venait d'être enlevé par un boulet au siège de Saïgon (Cochinchine), fin d'octobre 1859. Il fut remplacé plus tard par le colonel Livet, officier également d'un grand mérite, qui entreprit la campagne malgré une maladie grave à laquelle il ne tarda pas à succomber.

Le chef des services administratifs fut M. le sous-intendant militaire de 1e classe Dubut qui avait été officier supérieur d'artillerie avant d'entrer dans l'administration.

Voici les instructions sommaires, en date du 15 décembre, qui me furent données par S. E. le ministre de la Guerre :

Paris, le 15 décembre 1859.

Général, l'expédition dont Sa Majesté vous a conféré le commandement n'est pas une expédition de guerre ordinaire. Elle rend donc nécessaire des instructions spéciales. Voici celles que je vous adresse, après les avoir soumises à la sanction de l'Empereur.

Commandement. — Vous êtes commandant en chef de l'expédition ; ce titre vous donne une autorité générale et fait porter sur vous une grande part de la responsabilité qui s'y attache. Toutefois le caractère mixte des opérations impose au commandant supérieur une réserve particulière. La Marine a des difficultés à surmonter pour la navigation, des conditions à remplir pour l'ordre de combat, dont vous ne pourriez pas toujours vous rendre un compte exact. Il importe donc, pour le succès de l'expédition, de ne décider aucune action ni même aucun mouvement sans recueillir et prendre en grande considération p.006 les avis du commandant des forces de mer ; ce commandant devra, par conséquent, être admis dans tous les conseils qui pourront être tenus, lorsqu'il sera présent sur les lieux.
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